Accord iranien: Les Etats-Unis et l'Iran loin d'être réconciliés
MONDE•Après un marathon diplomatique, les négociateurs sont parvenus à s'entendre sur la majorité des points clés du dossier...20 Minutes avec AFP
C'est le grand dessein de Barack Obama: réconcilier les Etats-Unis et l'Iran pour espérer apaiser les conflits au Moyen-Orient. Mais les deux adversaires sont loin de normaliser leurs relations et se borneront à poursuivre leur discrète coopération sur les crises régionales.
Tout comprendre au compromis «historique» sur le nucléaire iranien
«Changement de paradigme»
«Dans la tête de Barack Obama, il y a le fantasme du grand "bargain", d'une alliance avec l'Iran, de la reconstruction d'une architecture régionale et d'un changement de paradigme» au Moyen-Orient, analyse pour l'AFP Joseph Bahout, chercheur français de la fondation Carnegie.
Téhéran et Washington, qui s'accusaient encore il y a quelques années d'être «le Grand Satan» et de former «l'Axe du Mal», sont de facto en plein rapprochement à la faveur de leurs négociations sur le nucléaire iranien.
Nucléaire iranien: Les principaux points du pré-accord
Des tractations amorcées dans le plus grand secret en 2011-2012, avant que leurs chefs de la diplomatie John Kerry et Mohammad Javad Zarif discutent ouvertement et quasiment de manière ininterrompue depuis septembre 2013, jusqu'à l'accord de Lausanne jeudi. Ce dialogue sans précédent a non seulement fait naître une étroite collaboration entre deux régimes en principe ennemis mais aussi une proximité personnelle entre MM. Kerry et Zarif.
«Entente historique»
Pour amorcer le dégel, le président Obama avait eu en septembre 2013 un entretien téléphonique historique avec son homologue iranien Hassan Rohani. Il avait ensuite écrit en octobre dernier au guide suprême de la République islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a le dernier mot sur les dossiers stratégiques de son pays.
En saluant jeudi une «entente historique», Barack Obama a de nouveau tendu la main au peuple iranien: «Je veux réaffirmer ce que j'ai dit depuis le début de ma présidence. Nous voulons nous engager avec vous sur la base du respect et des intérêts mutuels».
Fin mars, à l'occasion du Nouvel an iranien, le président américain avait souligné dans une vidéo sous-titrée en farsi que «pendant des décennies, nos pays ont été séparés par la méfiance et la peur. Nous avons une occasion d'avancer qui bénéficiera à nos pays, et au monde, pendant de nombreuses années».
Sans nul doute, l'administration Obama «a fait de la quête obstinée d'un accord avec l'Iran la pièce maîtresse de sa stratégie au Moyen-Orient», relève Suzanne Maloney, de la Brookings Institution. Pour autant, «la tentative d'Obama n'est pas fondée sur l'illusion d'une nouvelle alliance, d'un grand rapprochement avec la République islamique», écrit la spécialiste sur son blog.
«Coopération discrète»
«L'establishment en Iran ne veut pas de liens normaux avec les Etats-Unis. Le président Rohani et son gouvernement veulent peut-être des relations diplomatiques mais le guide suprême et ses partisans y voient quelque chose contraire à leurs intérêts», explique à l'AFP, m'expert Alireza Nader, du centre d'études Rand Corporation, Mais cela n'empêche pas d'«explorer des zones de coopération discrète», note-t-il.
Depuis des mois en effet, Américains et Iraniens ont élargi leurs pourparlers sur le nucléaire à la lutte contre le groupe Etat islamique en Irak et en Syrie.
John Kerry avait même reconnu en février que Washington et la puissance chiite avaient un «intérêt commun» à combattre l'organisation ultra-radicale sunnite. Et même si les Etats-Unis nient toute «coordination militaire» avec l'Iran contre l'EI, ils ont été de facto alliés dans la bataille de Tikrit, dans le nord de l'Irak.