La Tanzanie interdit la sorcellerie pour protéger les albinos

La Tanzanie interdit la sorcellerie pour protéger les albinos

Le gouvernement tanzanien a décidé d'interdire la pratique de la sorcellerie pour endiguer les attaques contre les albinos, victimes de croyances qui attribuent des vertus magiques à leurs organes.
Des femmes tanzaniennes portent leur enfant à Dar es Salaam le 5 mai 2014
Des femmes tanzaniennes portent leur enfant à Dar es Salaam le 5 mai 2014 - Bunyamin Aygun Milliyet Daily
© 2015 AFP

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Le gouvernement tanzanien a décidé d'interdire la pratique de la sorcellerie pour endiguer les attaques contre les albinos, victimes de croyances qui attribuent des vertus magiques à leurs organes.

«La décision a été annoncée hier (mardi). Ces prétendus sorciers ont une part de responsabilité dans les agressions contre les albinos», a indiqué à l’AFP le porte-parole du ministère de l’Intérieur tanzanien, Isaac Nantanga.

L'interdiction ne vise pas les guérisseurs traditionnels qui utilisent notamment les plantes pour soigner leurs patients. Elle s'accompagnera d'une vaste campagne de communication à travers le pays.

Intitulée «En finir avec les meurtres d'albinos», la campagne devrait sensibiliser la population mais aussi aider à recueillir des informations pour éviter les enlèvements ou les meurtres, et enquêter sur des attaques.

La campagne, qui doit débuter dans deux semaines dans les régions septentrionales de Mwanza, Geita, Tabora, Simiyu et Shinyanga, les plus touchées, passera par la création d'une force d'intervention associant policiers, autorités locales et membres de la Société tanzanienne des albinos (Tanzania Albino Society–TAS).

«Nous voulons nous attaquer aux enlèvements et aux meurtres d'albinos une fois pour toutes», a déclaré le ministre de l'Intérieur, Mathias Chikawe. «Nous sommes contre ceux qui trompent la population en leur disant qu'ils deviendront riches par enchantement, contre les diseurs de bonne aventure et tous ceux qui distribuent des talismans».

La décision d'interdiction intervient après l’enlèvement, fin décembre, d’une fillette albinos de quatre ans portée disparue depuis.

La petite victime, Pendo Emmanuelle Nundi, a été enlevée le soir du 27 décembre dans le district de Kwimba (province de Mwanza) par des inconnus armés de machettes qui avaient auparavant neutralisé son père.

Quinze suspects, dont son père et deux de ses oncles, ont été arrêtés. Promettant l'aide de l'ONU, le coordinateur des Nations unies dans le pays, Alvaro Rodriguez, a demandé aux autorités tanzaniennes de faire de cette affaire «la plus haute priorité».

- Un problème régional -

En août, quatre albinos au moins avaient déjà été victimes d'agressions en moins de deux semaines en Tanzanie. Depuis 2000, l'ONU estime même que plus de 70 albinos ont été tués dans ce pays d'Afrique de l'Est.

Le problème dépasse cependant les frontières tanzaniennes.

Dans d'autres pays de la région, comme le Burundi, les albinos sont victimes de ces superstitions qui attribuent des vertus magiques à leurs organes, parfois utilisés par des sorciers et par des guérisseurs.

Mercredi matin, un député kényan, albinos, a estimé que son pays était lui aussi touché.

S'exprimant sur la BBC, Isaac Mwaura a ainsi expliqué que des gangs venus de Tanzanie traversaient la frontière pour venir kidnapper des albinos jusqu'en territoire kényan. Selon lui, le phénomène s'est accentué à l'approche des élections législatives et présidentielle tanzaniennes prévues en octobre.

«Il y a clairement des gens en politique qui recherchent ce genre de concoctions», a-t-il estimé, en référence aux potions préparées par les guérisseurs. «Les gens sont prêts à tuer des albinos parce qu'ils pensent que cela leur portera bonheur».

«Le problème est maintenant devenu un problème régional parce que la Tanzanie n'a pas pris de mesures suffisamment fortes pour l'endiguer», a-t-il encore jugé sur les ondes de la radio.

L'interdiction décrétée par le gouvernement est selon lui un pas dans la bonne direction, mais qui reste encore insuffisant.

Alfred Kapole, président de la TAS pour la région de Mwanza, estime lui aussi que cette mesure est la bienvenue. Mais la campagne qui sera lancée dans deux semaines doit faire participer tout le monde -- et pas seulement des officiels venus de Dar es-Salaam -- pour être efficace.

D'autant que jusqu'ici, estime-t-il lui aussi, les autorités tanzaniennes n'ont pas assez pris le «problème au sérieux».

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