Londres renforce son arsenal législatif face à la menace jihadiste

Londres renforce son arsenal législatif face à la menace jihadiste

Le gouvernement britannique a présenté mercredi un projet de loi visant à muscler son arsenal contre la menace terroriste, mais le doute subsiste quant à la viabilité de certaines mesures, dont l'interdiction de retour pour d'anciens jihadistes.
© 2014 AFP

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Le gouvernement britannique a présenté mercredi un projet de loi visant à muscler son arsenal contre la menace terroriste, mais le doute subsiste quant à la viabilité de certaines mesures, dont l'interdiction de retour pour d'anciens jihadistes.



Censée offrir de nouvelles réponses à une menace qui a évolué avec l’émergence du groupe de l'Etat islamique (EI), le texte est le septième du genre depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York.

Dans les années 2000, le pouvoir travailliste, Tony Blair en tête, avait adopté des mesures contraignantes, dont certaines ont fait hurler les associations de défense des droits de l'Homme. Jusqu'à ce que le conservateur David Cameron soit élu en 2010 sur la promesse de restaurer certaines libertés.

Son gouvernement de coalition avec les Libéraux-démocrates a attendu quatre ans pour, à son tour, resserrer la vis, et il l'a finalement fait «dans la précipitation» selon les critiques.

L'urgence est invoquée par la ministre de l'Intérieur Theresa May. «La menace n'a jamais été aussi élevée», argumente-t-elle, trois mois après le relèvement du niveau d'alerte de sécurité à «grave». Elle fait valoir qu'en dix ans, la police britannique a déjoué 40 projets d'attentats.

La ministre peut compter sur le soutien des trois principaux partis pour faire adopter la loi d'ici les élections de mai 2015.

Mais plusieurs points risquent de poser problème, même si le texte a déjà été édulcoré par rapport aux premières annonces de David Cameron en septembre. A commencer par la mesure phare qui consiste à encadrer ou empêcher le retour des jihadistes britanniques --estimés au nombre de 500-- en Irak ou en Syrie.

Selon le plan de Theresa May, l'ex-combattant aura désormais le choix entre revenir et accepter d'être placé sous le contrôle des services de sécurité. Ou être banni du territoire britannique pendant une durée allant jusqu'à deux ans.

La mesure divise fortement le Parlement et heurte la sensibilité des Lib-Dems. Les ONG et associations de libertés civiles sont vent debout contre. Amnesty International assure que le dispositif enfreint la loi internationale en risquant de rendre des personnes apatrides.

«Traiter des citoyens suspects comme des déchets toxiques est une manière très étrange de faire respecter la loi», déplore Shami Chakrabarti, directeur de l'ONG Liberty.

La proposition de retirer le passeport aux Britanniques soupçonnés de vouloir quitter le pays pour poursuivre une «action liée au terrorisme», se heurte à moins d'opposition. Mais elle risque, selon des ONG, de stigmatiser un peu plus encore la communauté musulmane.

«La communauté musulmane perçoit ce projet de loi comme étant raciste. Ce qui, au bout du compte, ne fait que favoriser la radicalisation de jeunes se sentant exclus», souligne Cerie Bullivant, une représentante de l'association Cage.

«Où sont les tribunaux?», demande pour sa part David Anderson. L'homme, chargé de superviser les lois anti-terrorisme, critique la concentration des pouvoirs dans les mains du ministre de l'Intérieur. «La justice a un rôle important à jouer pour éviter les abus inhérents à ce genre de loi», abonde Simon Palombi.

Imposer de nouvelles contraintes aux voyageurs et aux compagnies aériennes fait également partie du projet. Les compagnies récalcitrantes pourront ne pas être autorisées à se poser au Royaume-Uni.

Theresa May veut également s'octroyer le pouvoir de bannir des prêcheurs extrémistes, un sujet de discorde dans un pays fier de sa liberté de parole, et interdire aux compagnies d'assurance d'aider au versement des rançons.

Le projet de loi rouvre enfin le débat sur les données personnelles puisqu'il demande aux fournisseurs d'accès à internet de stocker et de communiquer sur demande les adresses IP des internautes.

Mardi, le gouvernement a critiqué, sans le nommer, le réseau Facebook, placé au banc des accusés pour n'avoir pas partagé des informations qui auraient pu permettre d'empêcher le meurtre brutal du soldat Lee Rigby, quasi décapité par deux extrémistes islamistes à Londres en mai 2013.

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