Les viols, ce mal que les universités américaines peinent à éradiquer

Les viols, ce mal que les universités américaines peinent à éradiquer

Qu'est-ce que le consentement ? Où s'arrête la séduction et ...
© 2014 AFP

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Qu'est-ce que le consentement ? Où s'arrête la séduction et où commence le viol ? La polémique croissante sur les abus sexuels sur les campus américains a poussé des établissements, comme l'American University, à entamer un douloureux examen de conscience.



Au printemps dernier, la fraternité Epsilon Iota --une confrérie étudiante officieuse de cette université de Washington-- a vu certains de ses courriels fuiter sur la place publique, révélant comment certains de leurs membres profitaient de la naïveté des premières années, allaient jusqu'à les droguer au GHB et échangeaient les meilleurs endroits pour passer à l'acte incognito.

«Rassurer les filles avec des jeux d'alcool dans les appartements des +frères+ pour pouvoir les baiser ensuite», préconisaient-ils ainsi dans leur correspondance.

«Ils étaient connus comme +la fraternité des violeurs+», explique Amanda Gould, une étudiante de deuxième année. «Et pendant longtemps l'université a fermé les yeux. Mais après ça, il y a eu un tournant, ils n'ont plus eu le choix.»

Amanda a créé un groupe «Plus jamais le silence» («No more silence»), récolté 1.700 signatures pour exiger de l'université l'expulsion des auteurs de ces courriels et organisé une manifestation sur le campus pour que la direction «cesse de balayer le problème sous le tapis».

Amanda n'a jamais obtenu de rendez-vous avec le président de l'université mais elle a indirectement reçu un appui bien plus important.

Face à l'ampleur du problème, la Maison Blanche a lancé une campagne nationale. Sur les campus américains, en moyenne une étudiante sur cinq se fait violer pendant les quatre premières années de ses études et seules 12% de ces agressions sont dénoncées.

Recommandations aux universités, visites sur les campus: l'initiative «C'est notre problème» («It is on us»), portée par le président Barack Obama lui-même, appelle chaque étudiant à «faire partie de la solution».

«Ne reste pas spectateur, deviens celui qui s'interpose», invitent les slogans dans des clips tournés lors de soirées où l'on voit des jeunes filles ivres mortes sur le point de succomber aux avances d'étudiants sans scrupule.

«La réalité, c'est que les gens ne savent même pas ce qu'est un viol», constate Faith Ferber, en deuxième année à l'AU. Elle raconte ainsi le soir où, lors d'une fête, elle a eu besoin d'expliquer à un membre d'une fraternité «en chasse» que profiter d'une fille ivre qui serait incapable de consentir à quoi que ce soit, pourrait lui valoir d'être poursuivi pour agression sexuelle.

Avec une poignée d'étudiants, Faith anime des ateliers de prévention qui se multiplient sur le campus depuis l'affaire du courriel.

Ils ont obtenu de la direction de l'université que tous les membres des confréries --une dizaine enregistrées officiellement-- suivent ce programme.

Pour les autres étudiants, cela reste facultatif malgré l'ampleur du fléau: selon une étude réalisée en 2013, 18% des étudiantes de l'université confiaient avoir eu une relation sexuelle non désirée sur les six derniers mois.

- Le consentement doit être explicite -

Autour d'une pizza offerte, des volontaires reçoivent une présentation d'une heure sur le «consentement», la principale arme déployée sur ce campus contre les viols.

Dans une ambiance un peu guindée, deux animatrices expliquent à partir de fiches pré-rédigées que tout acte sexuel doit être précédé d'un accord consciemment formulé par les deux parties.

«Le consentement c'est sexy, c'est génial de désirer et d'être désiré», martèle l'une des animatrices.

Très peu en revanche est dit sur les moyens de ne pas se mettre en danger, la consommation d'alcool par exemple, ou le fait d'accepter de la part d'un inconnu un verre ou un trajet en voiture. «Apprendre à réduire les risques est une toute petite part, pas même essentielle, de la prévention», estime Daniel Rappaport, responsable de la prévention des violences sexuelles à l'AU.

L'objectif est de s'inspirer du «Yes, means yes» (Oui, veut vraiment dire oui), une loi que la Californie vient de voter. Si une relation sexuelle n'a pas fait l'objet d'un accord clair, elle peut être qualifiée de viol en cas de dépôt de plainte auprès de l'université. L'établissement, dont le financement public est conditionné au respect de ce principe, ne doit plus rechercher s'il y a eu viol mais s'il y a eu consentement.

Au-delà des lois, «le vrai problème c'est notre façon à nous Américains d'éduquer nos enfants», décrypte Daniel Rappaport. «Nous formons les garçons à devenir des hommes agressifs, dominants et qui voient les femmes comme des objets de conquête.»

Cet article est réalisé par Journal du Net et hébergé par 20 Minutes.