Syrie: à la frontière turque, les réfugiés kurdes racontent la peur des jihadistes

Syrie: à la frontière turque, les réfugiés kurdes racontent la peur des jihadistes

Du bord de la petite route qui mène jusqu'à la frontière, ...
© 2014 AFP

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Du bord de la petite route qui mène jusqu'à la frontière, ils ne sont que des ombres sous les arbres. Puis lorsque la poussière ocre s'est dissipée, ils apparaissent. Chassés par la crainte des jihadistes, des centaines de Kurdes attendent côté turc l'improbable trêve qui leur permettrait de revenir chez eux.

Assis à même le sol d'une plantation de Mursitpinar (sud de la Turquie), Sahab Basravi raconte son exode avec détachement. Comme une histoire à faire peur qu'il pourrait raconter à l'un des enfants avec qui il partage l'ombre de son pistachier.

«Quand ceux de Daesh (le groupe de l'Etat islamique) ont attaqué la ville d'Aïn al-Arab (Kobané en kurde), nous avons eu peur. Dans les mosquées, ils ont dit qu'ils avaient le droit de tuer tous les Kurdes de 7 à 77 ans», dit-il, «alors nous avons ramassé des affaires et nous avons quitté la ville, immédiatement».

Sahab reconnaît n'avoir rien vu des combats, et encore moins avoir été le témoin des exactions dont sont accusés les militants de l'EI. Pas la peine. Il sait déjà ce qu'ils ont fait.

«Ils égorgent les hommes et les enfants», assure l'homme. «Ils brûlent nos maisons, ils volent notre bétail. Quant aux femmes, ils les violent et les emmènent à Raqqa (le quartier général de l'EI, à quelques dizaines de kilomètres plus à l'est) pour les vendre».

«Nous sommes partis tout de suite mais nous avons pu appeler ceux qui sont restés dans notre village. Et ils nous ont dit la même chose», confirme à ses côtés Hodel Basravi, qui a fui le petit village de Tendar, à côté de Kobané.

«Nous, ceux du Daesh ne nous a pas touchées, mais celles qui sont restées...», insiste la jeune femme sans finir sa phrase.

Tout ce petit groupe a franchi la frontière turque il y a trois jours. Depuis, ils vivent ici, sous les arbres. A quelques centaines de mètres des barbelés qui les séparent de leur pays. A portée de canon de Kobané, toujours assiégée par les jihadistes. Seuls.

- 'Si on nous donnait des armes' -

«Nous n'avons reçu aucune aide officielle», déplore Hanna Memed Ali. «Les Kurdes de Turquie nous amènent de l'eau, des fruits et du pain, mais c'est tout», ajoute cette femme. «Vous avez vu dans quel état nous sommes ? Nous voulons rentrer chez nous, au plus vite».

D'autres réfugiés ont eu plus de chance. Dès qu'ils ont franchi la frontière, ils sont conduits en bus jusqu'à un centre de santé du Croissant rouge, protégé par des soldats en armes. Mais impossible des les approcher. «Yasak !», (interdit !), aboie un militaire.

Un peu plus à l'est, devant l'un des huit points de passage ouverts en urgence par Ankara, les files de milliers de réfugiés qui se pressaient depuis vendredi ont disparu.

Selon le Haut-commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR), quelque 70.000 Kurdes de Syrie sont entrés en Turquie en seulement trois jours. Mais ce dimanche, ils ne sont plus que quelques dizaines, assis en plein soleil, à attendre le feu vert des autorités turques pour mettre le pied en territoire turc.

Face à un épais cordon de soldats turcs en armes, Ismaïl Emer Ziravek s'énerve. Il a franchi la frontière il y a deux jours et, aujourd'hui, sa femme et deux de ses enfants s'apprêtent à le rejoindre, juste de l'autre côté des barbelés. Ses trois grands garçons sont restés côté syrien, pour faire la guerre à l'EI.

Alors, en attendant de les serrer dans ces bras, il s'en prend aux jihadistes responsables de son exode et à la terre entière qui, accuse-t-il, les a laissés faire.

«Depuis des mois, ces gens assassinent nos frères et violent nos sœurs. Tout ça se passe sous les yeux du monde et la communauté internationale ne réagit pas», s'emporte-t-il, «si au moins on nous donnait des armes, on pourrait se défendre...»

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