Européennes: Manolis Glezos, ancien résistant anti-nazi à l'abordage du parlement

Européennes: Manolis Glezos, ancien résistant anti-nazi à l'abordage du parlement

Envisager à 91 ans une nouvelle vie de député européen n'a ...
Manolis Glézos, figure de la résistance grecque âgé de 91 ans, se présente au mandat de député européen, photographié le 3 mai 2012 à Athènes
Manolis Glézos, figure de la résistance grecque âgé de 91 ans, se présente au mandat de député européen, photographié le 3 mai 2012 à Athènes - Louisa Gouliamaki AFP
© 2014 AFP

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Envisager à 91 ans une nouvelle vie de député européen n'a pas effrayé le vieux résistant anti-nazi Manolis Glezos. Le plus délicat a été d'imaginer comment se rendre régulièrement à Strasbourg quand on ne peut quitter la Grèce qu'en bateau ou en train.

Même cet obstacle n'a pas arrêté le nonagénaire qui entretient cheveux mi-longs et moustache drue: «J'irai à Venise en bateau puis en train jusqu'à Strasbourg. Je m'installerai là-bas un an. Ensuite je laisse mon mandat et je rentre», explique-t-il à l'AFP.

Pour que l'expédition se concrétise, Manolis Glezos, 92 ans en septembre, devra être choisi par les électeurs parmi les 42 candidats présentés aux européennes par le parti de gauche radicale grec Syriza, au coude à coude avec les conservateurs dans les sondages.

Et pour qui irait imaginer que son intolérance à l'avion est liée au grand âge, il s'empresse de préciser: «ça date d'il y a longtemps et c'est dû aux tortures des soldats allemands pendant la guerre».

Car l'Europe de Glezos, ce fut d'abord ça : un continent à feu à sang, l'occupation nazie, des combattants qui résistent.

Il fut l'un d'eux et même un peu plus que ça: dans la nuit du 30 au 31 mai 1941, à 18 ans, il est allé avec son ami Apostolos Santas décrocher le drapeau nazi qui flottait sur l'Acropole depuis quelques jours.

Geste fondateur d'une vie de lutte contre les coups portés à son pays: occupation, guerre civile, dictature militaire et ces dernières années, crise financière.

Arrêté trois fois sous l'occupation, Manolis Glezos a échappé au peloton d'exécution. Puis à plusieurs condamnations à mort durant la guerre civile, passée en prison pour son militantisme communiste qui lui vaudra encore d'être détenu dans les années 1950 puis sous la dictature des Colonels (1967-1974).

- Peuple majuscule -

Quand revient la démocratie, il a 52 ans, a passé près de douze années en prison, quatre en exil, a quitté le parti communiste. Il est un héros dans son pays.

Un héros qui reste habité d'une passion encombrante: le peuple.

«Changer un leader politique contre un autre n'a aucun sens, un parti doit incarner la conscience du peuple», explique-t-il dans son modeste rez-de-chaussée d'une banlieue résidentielle d'Athènes, encombré de livres et de papiers.

En 1944, témoignait-il récemment pour un documentaire sur la résistance, son frère cadet Nikos était mené au peloton d'exécution par les nazis à travers les rues d'Athènes et faisait parvenir à sa famille un dernier message griffonné sur son béret lancé en chemin: «Je tombe pour le peuple grec».

«+Peuple+ était écrit en majuscules, car c'est cette idée qui conduit notre pays: le pouvoir au peuple. Il s'agissait de libérer le peuple et de le mener à l'indépendance», expliquait Glezos.

- Prêt à confronter l'Allemagne -

En 2010, il a rejoint les Indignés de la place du parlement d'Athènes, participant à plusieurs manifestations contre les plans d'austérité votés en échange des prêts octroyés à la Grèce pour éviter la faillite. Aux législatives de juin 2012, il fut élu député du Syriza.

C'est cet «esprit de l'Europe des peuples» qu'il veut porter au parlement de Strasbourg. Sans renoncer à exiger de l'Allemagne qu'elle s'acquitte de son «dû» envers la Grèce en remboursant le prêt obligatoire au régime nazi, sujet dont il s'est fait le vibrant porte-parole, «non par esprit de revanche mais par justice».

Pour meubler ses longues années derrière les barreaux, Manolis Glezos s'est passionné pour la géologie, la linguistique, sujets «non politiques» que les détenus pouvaient étudier à loisir et dont il est devenu un érudit.

Lorsqu'il a démissionné une première fois du parlement européen, en 1985, pour incompatibilité d'humeur avec les socialistes au pouvoir en Grèce, il est retourné plusieurs années dans son village de montagne de l'île de Naxos, monter une expérience de démocratie directe locale.

S'il quitte le parlement de Strasbourg en cours de mandat, en raison de son âge ou parce que «le Syriza arrivera au pouvoir», ce père de deux enfants retournera dans les lycées, où il prend «un plaisir immense» à témoigner.