Crimée: L'Ukraine a-t-elle son mot à dire sur l'avenir de son territoire?
INTERVIEW•Eléments de réponse avec Dominique Colas, prof émérite à Sciences-Po, alors que les négociations entre Whashington et Moscou se poursuivent...Propos recueillis par Bertrand de Volontat
Et l’Ukraine dans tout ça? Depuis la fin de Ianoukovitch et l’annexion par la Russie de la Crimée, le sort de l’Ukraine est devenu l’affaire d’une opposition Est-Ouest. Washington et Moscou continuent de discuter, malgré des «positions divergentes» concernant la crise ukrainienne, a déclaré ce dimanche le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. John Kerry a quant à lui appelé la Russie à retirer ses troupes de la frontière ukrainienne, qui faisait craindre à Kiev une invasion de sa partie orientale, en grande partie russophone, et affirmé qu’aucune décision sur l’Ukraine ne serait prise sans la participation de Kiev, à l’issue d’une rencontre avec son homologue russe à Paris. Interrogé par 20 Minutes, Dominique Colas, professeur émérite à Sciences Po Paris, évoque la place de l’Ukraine dans les discussions qui concernent son avenir.
L’Ukraine a-t-elle définitivement perdu la Crimée?
Les Etats-Unis ont accepté l’annexion de la Crimée. Dorénavant, la question qui se pose est: que va devenir ce territoire, à qui va-t-il être rattaché? La péninsule de la mer Noire est passée en moins de trois semaines du statut de république autonome ukrainienne à celui de sujet de la Fédération de Russie. Il est possible que la Crimée conserve un statut indéterminé. Mais à ce jour, même si les Etats-Unis ne reconnaissaient finalement pas la légitimité du référendum rattachant la Crimée à la Russie, il serait difficile de faire machine arrière.
L’Ukraine est-elle la grande perdante des discussions russo-américaines?
L’Ukraine va bénéficier du rapprochement avec l’Union européenne et se retrouve bénéficiaire d’une assistance financière qui vient récompenser en quelque sorte la perte de la Crimée. La vraie menace vient de la volonté de la Russie et de l’ancien président ukrainien Viktor Ianoukovitch, notamment, de fédéraliser l’Ukraine. Ce qui pourrait conduire à la sortie de nombreux territoires pro-russes ukrainiens.
L’Ukraine peut-elle exiger de faire partie des négociations concernant l’avenir de son propre territoire?
La position des Ukrainiens sera difficile jusqu’au 25 mai et l’élection présidentielle destinée à remplacer Viktor Ianoukovitch. Avec un président démocratiquement élu, ils retrouveront leur place au cœur des discussions. Mais un des aspects importants à noter est le recul de la partie la plus violente de l’extrême droite. Elle voit sa présence réduite et son influence politique en perte de rayonnement, notamment dans les rues de Kiev. Mais il est encore trop tôt dans la campagne pour dire qui l’emportera. [Le favori des sondages est pour l’instant le milliardaire Petro Porochenko, qui a d’ailleurs reconnu que l’Ukraine avait peu de chances de retrouver la Crimée à court terme.]