SANTÉSida: Une Europe à deux vitesses

Sida: Une Europe à deux vitesses

SANTÉntre 2006 et 2012, les nouveaux cas de sida ont diminué presque de moitié (-48%) en Europe de l'Ouest, alors qu'en Europe de l'Est et en Asie centrale ils ont plus que doublé (+113%)...
Bérénice Dubuc

Bérénice Dubuc

Trente ans après la parution du premier article sur le VIH-Sida, le rétrovirus ne plie pas. Les cas d'infection ont ainsi augmenté de 8% en 2012 en Europe et en Asie centrale, selon les chiffres du Centre européen de prévention et contrôle des maladies (CEPCM) de Stockholm. «Il y a une hausse globale sur l’Europe, mais il y a aussi une dichotomie fondamentale entre Europe de l’ouest et Europe de l’est», explique le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS).

En effet, en Europe de l’Ouest, la poursuite de l’épidémie est stable par rapport à l’an dernier et portée par une fraction de la population. A titre d’exemple, environ 150.000 personnes sont touchées en France (dont 30.000 ignorent leur séropositivité), et 7 à 8.000 nouvelles contaminations sont recensées chaque année.

Le taux de prévalence explose pour les populations vulnérables

«Les pays d’Europe de l’ouest connaissent une baisse des contaminations sur la population générale, mais le taux de prévalence reste très préoccupant dans les groupes de population vulnérable, comme les usagers de la drogue, les prostituées, les homosexuels, les migrants…», explique Céline Grillon, coordinatrice du plaidoyer international à Act Up Paris.

En Europe de l’Est, l’épidémie de sida se propage beaucoup plus rapidement: entre 2006 et 2012, les nouveaux cas de sida ont diminué presque de moitié (-48%) en Europe de l'Ouest, alors qu'en Europe de l'Est et en Asie centrale ils ont plus que doublé (+113%). Dans ces pays, une part importante des contaminations est liée à l’usage de drogue et à l’absence de prise en charge des soins.

L’Europe de l’ouest en difficulté du fait de la crise

«On a véritablement une Europe à deux vitesses», commente le professeur Delfraissy, qui met en avant les réticences politiques fortes dans les pays d’Europe de l’Est à reconnaître l’existence du problème du sida, la montée de l’homophobie et l’absence de prise en charge médicalisée des usagers de drogues pour expliquer cette augmentation. Cependant, les pays de la vieille Europe aussi rencontrent des difficultés qui peuvent expliquer la poursuite de l’épidémie. La crise a ainsi un impact négatif sur les budgets alloués aux politiques de santé publique, notamment en Europe du Sud.

«En matière de financement de la recherche, de prise en charge des malades, de prise en charge de l’optimisation médicale… la situation est difficile en Italie ou en Espagne. La fragilité des systèmes de soin est renforcée par la crise, ce qui est également vrai pour les autres pathologies», souligne le professeur Delfraissy. «Il y a même eu des exemples, en Espagne ou en Grèce, d’interruption de traitement des malades du fait de ruptures d’approvisionnement provoquées par ces difficultés financières», renchérit Céline Grillon.