PORTRAITBenoît XVI, un pape de transition ébranlé par les scandales

Benoît XVI, un pape de transition ébranlé par les scandales

PORTRAITBenoît XVI est le premier pape à démissionner depuis le Moyen-Age. Sa décision surprise, annoncée lundi, vient clore huit années d’un pontificat rythmé par les scandales...
Faustine Vincent

Faustine Vincent

Il devait être un «pape de transition» après Jean Paul II. Elu au Vatican en 2005, Benoît XVI avait été choisi pour son âge déjà avancé –78 ans à l’époque– et son côté conservateur. Son pontificat a été plus mouvementé que prévu. En huit ans, Benoît XVI a été confronté à plusieurs scandales qui ont ébranlé l’Eglise. L’affaire des prêtres accusés d'abus sexuels sur des mineurs au cours des dernières décennies a été la plus grave, d'autant qu'il avait longtemps été chargé au Vatican de la discipline du clergé avant de devenir pape. «Il avait participé à l’étouffement de ces affaires», relève Frédéric Lenoir, sociologue et historien des religions. Benoît XVI a toutefois fait preuve d’une grande fermeté une fois pape. Dans un climat de honte et d'humiliation, il a condamné durement ces «péchés», accepté des démissions d'évêques, demandé pardon aux victimes et reconnu qu'une «purification» s'imposait au sein de l’Eglise.

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«Vatileaks, la cause principale de sa démission»

En 2012, il est cette fois confronté au scandale de fuites de documents confidentiels au sein du Vatican. Surnommée «Vatileaks», cette affaire, qui révèle les profondes rivalités au sein de la Curie romaine (le gouvernement du Saint-Siège), conduit à l’arrestation de son propre majordome, Paolo Gabriele, qu’il a gracié en décembre. Selon Mgr Michel Dubost, évêque d'Évry-Corbeil-Essonnes, Benoît XVI a été très affecté par cette affaire. «Cela l’a éprouvé et fatigué. Il a été “trahi” par un proche. La dernière fois que je l’ai vu, son esprit était bien là, mais c’est comme si son corps se diluait, comme une bougie qui s’éteint. Je me suis dit que ça ne pouvait pas durer encore très longtemps», raconte-t-il à 20 Minutes. Frédéric Lenoir est encore plus direct. Pour lui, «le scandale Vatileaks est la cause principale de la démission de Benoît XVI. Il n’est plus en état de gérer ces querelles violentes, même si l’affaire est juridiquement terminée».

Un intellectuel humble et conservateur

Benoît XVI laisse l’image d’un pape «humble, spirituel mais identitaire», poursuit Frédéric Lenoir. Conservateur, il a refusé toute évolution de l’Eglise sur les questions de société comme l’avortement, l’euthanasie, la famille et l’homosexualité. Début 2012, il a ainsi estimé que le mariage entre homosexuels était une menace pesant sur la famille traditionnelle, et qu’il était susceptible d'ébranler «l'avenir même de l'humanité». Il est toutefois le premier à tolérer l’utilisation du préservatif dans certains cas pour éviter la propagation du sida.

Théologien rigoureux, Benoît XVI a contribué aux réformes du concile Vatican II avant de porter un regard plus conservateur sur les œuvres sacrées et la liturgie. Ses détracteurs lui ont reproché de revenir en arrière et de bloquer certaines réformes, mais aussi de mettre à mal le dialogue avec l'islam, les juifs et les autres chrétiens. De son côté, Mgr Michel Dubost salue un «grand intellectuel», «un homme timide qui, en petit groupe, était capable d’entrer en dialogue avec les autres de manière impressionnante».

Brièvement enrôlé dans les jeunesses hitlériennes

Né le 16 avril 1927 à Marktl am Inn en Bavière (Allemagne), Joseph Ratzinger a grandi à Traunstein où il a étudié le latin, le grec, l'histoire et la littérature. Son père était responsable de la police, très pratiquant et hostile aux nazis. Au début des années 1940, le jeune Joseph a été brièvement enrôlé dans les Jeunesses hitlériennes, comme tant d'autres enfants de son âge, puisque l'adhésion à l'organisation était obligatoire.

Ordonné prêtre en 1951, il a été professeur à Ratisbonne, archevêque de Munich et cardinal en 1977 sous Paul VI, puis préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi en 1981 sous Jean Paul II. En 2002, il a pris la tête du Collège des cardinaux, chargé d'élire le prochain pape.

Mgr Michel Dubost est convaincu que «Benoît XVI était un homme qui ne cherchait pas à être pape, mais qui a accepté de l’être avec humilité et douceur». L’homme qui ne voulait pas être pape ne le sera plus le 28 février.