MODELe Wax, le nouveau roi de la sape

Le Wax, le nouveau roi de la sape

MODEPlus qu’un tissu, le wax est l’affirmation d’une africanité pour la scène créative afropéenne…
Anne Demoulin

Anne Demoulin

De toutes les matières, c’est le wax que la mode préfère. A l’honneur au salon Who’s Next, le tissu emblématique de l’Afrique s’invite chez Louboutin, Viktor & Rolf et Burberry aussi bien que chez Zara, Asos et Monoprix. Si le concept store parisien Merci lui a dédié une expo, intitulée « So Wax » en mars, il s’affiche sur les clichés du Sénégalais Seydou Keïta jusqu’au 11 juillet au Grand Palais et dans l’expo « Fashion Cities Africa » du Brighton Museum jusqu’au 8 janvier 2017. Il défile enfin ce week-end au salon Labo International. Plus qu’un tissu, le wax est tout à la fois l’expression d’une identité africaine et du dynamisme d’une scène créative afropéenne.

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Bande-annonce de « So Wax », exposition organisée au concept store Merci en mars 2016.

Le wax est aussi la star de la Toile. Lorsque Beyoncé enfile une robe en wax à Houston et poste le cliché sur Instagram, la maison romaine Stella Jean affiche rupture de stock à Rome.

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Lorsque la jeune afro-américaine Makalaya Zanders poste des clichés dans sa robe en wax qu’on lui avait interdit de porter pour son bal de promo, le tollé est mondial.

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La ruée vers le wax

« Le wax est un moyen pour les Afropolitains de revendiquer leur africanité », lance Yvette Taï-Coquillay, fondatrice du salon Labo International, ex-Labo Ethnik, créé il y a tous justes dix ans pour « donner de la visibilité aux créateurs africains et caribéens ».

Le Labo International fait défiler ce week-end la création africaine et caribéenne comme Noh Nee, De La Sebure ou Tina Lobondi.
Le Labo International fait défiler ce week-end la création africaine et caribéenne comme Noh Nee, De La Sebure ou Tina Lobondi. -  De La Sebure/Hind Mellah/ Noh Nee/Tina Lobondi

Pourquoi la mode est au wax à l’été 2016 ? Parce que l’étoffe se réinvente chez les jeunes talents afropolitains que sont Bazara’Pagne, Ubuntou, Nana Wax, Ladyhood, Vanessa Augris, Sawa ou encore Owl Paris. Une nouvelle scène mode qui a conquis les grandes enseignes. Quand Maison Château Rouge s’invite chez Merci, Nash Prints It signe une collection capsule pour Pimkie.

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« J’ai voulu remettre ce tissu au goût du jour », confie Lodia Kpodzro, créatrice du label Bazara’pagne, et petite-fille d’une Nana-Benz (les pionnières dans le commerce d’achat du wax au Togo et dans toute l’Afrique de l’Ouest, surnommées ainsi à cause des voitures allemandes qu’elles aimaient s’offrir).

« En 2010, j’ai fabriqué des snoods en wax pour mes amis après un séjour au Togo. Ils étaient tellement beaux. J’ai décidé d’en faire plus et j’ai commencé à les vendre avec une valise à Châtelet », raconte Lodia Kpodzro, qui vend désormais ses collections dans sa boutique parisienne au 11, rue des Halles.

« Le wax est une façon d’affirmer mon africanité, mais aussi de dire que je suis d’ici. Je mixe un tissu d’Afrique dans des créations occidentalisées », confie la créatrice de 28 ans, qui travaille en collaboration avec le Togo « dans une démarche de commerce équitable. »

Bazara’Pagne décline le wax sous toutes les coutures.
Bazara’Pagne décline le wax sous toutes les coutures. - Bazara’Pagne

Chez Bazara’Pagne, le wax est matelassé en hiver et décliné en doudoune. « C’est un métissage, poursuit Lodia Kpodzro, Nous, les créateurs, devons faire passer le message du mélange des cultures. Dépasser l’effet de mode autour du wax, sans être communautaire. »

Un pont entre les deux continents

Le label Maison Château Rouge s’inscrit dans un projet social plus large appelé « Les oiseaux migrateurs », lancé en septembre 2014, et visant à participer de manière collaborative au développement de TPE et PME africaines. Créé par Youssouf et Mamadou Fofana, deux frangins d’origine sénégalaise, Maison Château Rouge décline le wax traditionnel, chinée dans les échoppes du quartier de La Goutte d’or, en mode streetwear. « Nous avions envie de rendre hommage aux commerçants qui vendent le wax ici, bien avant qu’il ne devienne tendance. On l’achète chez eux parce que l’on souhaite modestement participer au développement et à la revalorisation du quartier », détaille le jeune entrepreneur.

Maison Château Rouge a ouvert sa boutique au 40 rue Myrha (Paris, 18e arrondissement)
Maison Château Rouge a ouvert sa boutique au 40 rue Myrha (Paris, 18e arrondissement)  - Maison Château Rouge

« Je suis né en France, de culture africaine, explique Youssouf Fofana. J’avais envie d’être un pont entre les deux continents, d’accepter mes deux cultures, de faire une mode qui me ressemble. » Et d’habiller « les jeunes du quartier contents de porter le wax différemment » aussi bien « qu’une célèbre créatrice de parfum ».

Un métissage à l’image du wax

Les créatifs de la nouvelle scène mode parisienne sont cosmopolites et conjuguent origines et influences multiples. « Je suis amoureuse de l’Afrique depuis toute petite. Mes parents ont travaillé au Sénégal et j’ai dû être marabouté lorsque ma mère était enceinte », plaisante Maud Villaret, créatrice deToubab Paris, marque de bijoux réalisés en petites séries, à la main en France.

Les bijoux Toubab Paris mixent le wax à d'autres matières.
Les bijoux Toubab Paris mixent le wax à d'autres matières. - BIZENGA PHOTOGRAPHY/Toubab Paris

« J’aime mélanger le wax ou le bazin à d’autres matériaux comme le cuir, le dénim, le verre de Murano ou les cristaux Swarovski », détaille la jeune femme. Un métissage à l’image du wax, tissu né en Indonésie, commercialisé par les Britanniques et les Néerlandais et popularisé par les Africains. « Le tissu est en Afrique depuis 100 ans, et il s’installe en Europe pour une bonne centaine d’années. La mode, c’est le métissage », s’amuse Yvette Taï-Coquillay. Le wax s’est taillé une place de choix dans notre dressing et va régner pour longtemps sur la sape.