Grève à Radio France: «Ce n’est pas un plan social parmi d’autres»
REPORTAGE•Les salariés grévistes de Radio France ont voté mardi la poursuite de la grève, la plus longue de son histoire, à la veille de la présentation du plan stratégique de Mathieu Gallet pour redresser le déficit...Annabelle Laurent
Mardi matin, le studio 105 est comble: plus de cinq cent personnes réunies. «Et c’est comme ça depuis le début», nous glisse non sans fierté notre voisin, attaché de production sur France Inter. D’un bout à l’autre de la salle, on se hèle, on se salue, avec sans doute, désormais, une sensation d’habitude. Mais le ton monte rapidement.
Bilan de ce long week-end de Pâques: un échec samedi des négociations entre les syndicats et la direction, une ministre déterminée à penser une Maison de la Radio «plus économe des deniers publics», et pour nouvel horizon, un plan de réductions d’effectifs (300 à 380 départs volontaires) que doit présenter Mathieu Gallet mercredi lors d’un Comité central d'entreprise (CCE) extraordinaire, comme l’une des mesures d’économie de son plan stratégique [publié par Le Monde] pour redresser le déficit de 21,3 millions d’euros.
Il y a ceux qui voudraient couper le dialogue. «Si on ne monte pas d’un degré, à quoi on sert? Quelques émissions ont repris ce matin. Pourquoi aller écouter Mathieu Gallet alors qu’on a voté vendredi une motion défiance contre lui? Ça suffit!», s’emporte une productrice de France Culture, alors qu'une autre partie des grévistes semble au contraire favorable à l'idée d'être «présent à la table, malgré la motion», et même si la médiation réclamée n'est pas encore obtenue. Le conflit est loin de faiblir pour autant. Au moment de voter le 21e jour de grève, toutes les mains se lèvent. Une telle unanimité laisse imaginer un scénario identique ces prochains jours, et un durcissement.
Les salariés votent le 21e jour de grève en AG. AL/20minutes.
«C’est la masse salariale qui trinque»
«Pour ceux qui ont entendu Fleur Pellerin, on voit très bien que sa seule volonté est de limiter les dépenses, dénonce un délégué syndical. La maison de la Radio ne va plus être une maison qui produit, mais une maison qui fait de l’événementiel. Le changement d’orientation est total.»
«On a en face de nous des gens qui veulent stigmatiser l’emploi qui serait trop élevé, poursuit un autre. Mais c’est à mettre en rapport avec des recrutements de cadres de direction, et des travaux qui ont plombé le budget et la trésorerie». Une gréviste s’étrangle presque en disant avoir appris qu’il existait «un cadre de direction pour 22 salariés»: «C’est du délire!»
Avec ce plan de départs volontaires, «c’est la masse salariale qui trinque, alors que le déficit de 21,3 millions ne peut s’expliquer que pour 4 millions d'euros par l’accroissement de la masse salariale», renchérit auprès de 20 Minutes Lionel Thompson (CGT).
Les travaux, «une gabegie pour du saccage»
Se focaliser sur l’emploi ne rend pas le conflit compréhensible aux yeux du grand public, estime une technicienne de France Culture. «Ça va dézinguer, mais ça dézingue de partout en France: les gens se disent que c’est un plan social parmi tant d’autres, donc ils s’en foutent un peu. On doit communiquer davantage sur les travaux», en cours depuis 2009.
«C’est de l’argent public gaspillé, et c’est une véritable gabegie pour faire du saccage, du sabotage, s’agace-t-elle. Ils ont cassé des studios qu’ils n’ont pas reconstruits, les seuls studios livrés sont inexploitables. Le chantier a coûté plus de 500 millions. Ce n’est pas qu’une question de fonctionnement interne!», conclut-elle dans le hall, devant un panneau de sortie destiné, comme l'indique un surtitre au marqueur, à «Gallet». A 14h ce mardi, une manifestation était organisée au CSA pour remettre la motion de défiance contre le PDG décrié, avant une rencontre, à 17h, avec les auditeurs rue de Valois, pour «défendre la radio de service public».