«Minute» peut-il être condamné pour sa une sur Taubira?
•POLEMIQUE – L’hebdomadaire d’extrême droite a suscité l’indignation générale mardi avec un titre sur la garde des Sceaux qualifié d’«abjecte» par SOS racisme…Anaëlle Grondin
«Abjecte», «à vomir», «honteuse», «ignoble»... La une de Minute datée de ce mercredi 13 novembre, intitulée «Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane», suscite l’indignation générale depuis deux jours.
Si bien que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a saisi le procureur de la République de Paris mardi «en application de l'article 40 du code de procédure pénale» afin «de porter ces faits susceptibles de constituer l'infraction d'injure publique à caractère racial». «Il appartiendra au parquet [qui vient d'ouvrir une enquête ce mercredi] de qualifier les faits selon son appréciation», indique l’avocat Richard Malka, qui a notamment défendu Charlie Hebdo dans l'affaire des caricatures de Mahomet. «Dans tous les cas ça aboutira à une saisine à la 17ème chambre [du tribunal de grande instance de Paris], chambre spécialisée dans les affaires de presse, affirme-t-il. C’est une procédure qui prendra plusieurs mois». Si la justice donne raison au Premier ministre, «cela pourrait aboutir à une amende», ajoute Richard Malka. «En l’occurrence il y a aussi des peines de prison prévues mais qui sont totalement théoriques. C’est rarissime.»
Toutefois, Laurent Merlet, avocat spécialiste en droit de la presse, a indiqué à l’AFP qu’au regard de «la nature extrêmement personnelle de l’atteinte subie, Christiane Taubira serait la seule habilitée à agir en urgence devant le juge des référés pour obtenir les mesures de réparation approprié», comme le retrait de l’hebdomadaire en kiosques.
«Un tribunal sera tenté de condamner le journal»
L’entourage de la garde des sceaux a fait savoir au Lab d’Europe 1 qu’elle n’engagerait pas d’action en justice, estimant que ce serait «faire augmenter les ventes de l’hebdomadaire de 10%». Mais si Christiane Taubira changeait d’avis et décidait de porter plainte, quelles seraient ses chances de voir Minute condamné pour sa une? «C’est toute la question, on ne sait jamais tant que le tribunal n’a pas statué, a répondu Richard Malka. Ce sera à lui de décider s’il y a incitation à la haine raciale à l’égard d’une personne en raison de sa couleur et de son origine ou si les éléments constitutifs du délit ne sont pas réunis et si ça relève de la liberté d’expression».
En revanche, «compte tenu de l’émotion que cela soulève et du caractère nauséabond de la une, même s’il y a de vraies difficultés juridiques, je pense qu’un tribunal sera tenté de condamner le journal», ajoute Richard Malka. De son côté, la rédaction de Minute ne craint pas de répercussions judiciaires. «C’est une couverture composée d’éléments de langage courant, se défend un collaborateur auprès des Inrockuptibles. Nous avons prévu le coup du point de vue judiciaire. Nous sommes difficilement condamnables.»
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