Sa crête, son regard un peu vide, sa grève à Lille alors qu’il n’avait que 32 matchs de Ligue 1 dans les pattes, cette balayette contre un supporter marseillais, ce costard et cette sacoche à Newcastle… On s’est beaucoup moqués de Florian Thauvin ces dernières années. Il faut dire qu’il nous a donné pas mal d’occasions. Mais c’est fini. Depuis le début de la saison, le jeune ailier marseillais (23 ans) s’impose sur le terrain, et se fait discret en dehors.

Dégonfler le melon

« Sa carrière est enfin lancée, souffle Sébastien Lory, qui a entraîné FloTov quand il avait 13 piges et qu’il claquait but sur but avec le FCO Saint Jean de la Ruelle. On n’était pas inquiets, mais on a tout de même mal vécu les critiques, les polémiques. C’est un bon garçon mais il a besoin de stabilité et de se sentir important. »

On dirait qu’il a trouvé tout ça à Marseille cette année, après un aller-retour express à Newcastle (13 petits matchs, seulement trois en tant que titulaire, zéro but en Premier League), et deux premières saisons olympiennes ratées. Capitaine en Coupe de France en l'absence de Bafé Gomis, il prouve chaque jour son amour et sa loyauté à l'OM, et confirme ce que les supporters marseillais avaient entrevu en mai 2014 quand il était resté toute la nuit au chevet de la légende Steve Mandanda, sévèrement blessé: qu'il est un mec bien, attaché et attachant.

« Cette expérience en Angleterre l’a fait grandir, confirme un membre du staff du Sporting Club de Bastia, où Thauvin s’est révélé en 2013. Celui qui est revenu à Marseille n’est pas le même que celui qui est parti. Il est plus accessible, avec les supporters notamment. » Bref, il a dégonflé le melon. Thauvin l’a reconnu lui-même, en novembre dernier en conférence de presse : ne pas avoir réussi à s’imposer à Newcastle a servi de « déclic psychologique », lui a « permis de se remettre en question. »

Pour revenir à Marseille, l’Orléanais a dû accepter une belle baisse de salaire : alors qu’il touchait près de 300.000 euros par mois à Newcastle, l’OM ne lui versait apparemment que 150.000 la saison dernière. Selon L’Equipe, il touche aujourd’hui 240.000 euros bruts par mois. Il lui a surtout fallu beaucoup de courage pour revenir dans un Vélodrome qui l’a tant sifflé.

Gros mental, force de caractère et confiance en soi

« Ça confirme qu’il a un gros caractère. Il est têtu, il ne lâche jamais », salue Olivier Saragaglia. C’est lui qui l’a repéré au pôle espoirs de Châteauroux et l’a fait venir au centre de formation de Grenoble. Le gamin avait déjà une sacrée détermination : « Je me souviens du jour où il est venu nous voir avec son père et son conseiller [le fameux Tonton Adil], pour nous dire qu’il arrêtait l’école. Il n’avait que 17 ans mais il voulait s’entraîner avec la réserve. On n’était pas d’accord, il n’a pas respecté les étapes que nous avions fixées, mais c’était sa volonté. »

Lancer un formateur sur le « mental » de FloTov, c’est mettre une pièce dans le juke-box. Sébastien Lory démarre direct : « Ça a été compliqué pour lui quand il était jeune, quand il était chez nous, il avait une maladie de croissance, il ne pouvait pas s’entraîner normalement. Après il a eu son souci au dos [une fracture de fatigue] à Grenoble… Ça l’a renforcé. Il est très costaud dans sa tête. D’ailleurs, il n’a pas été déstabilisé par son agression en novembre. »

Mais cette grosse confiance en lui le rend parfois maladroit, sur les réseaux sociaux ou avec les journalistes. Deux exemples :

• Son opération com' totalement foirée sur les plateaux de TF1 et de Canal + en septembre 2013. Thauvin, qui vient de signer à l’OM après l’improbable feuilleton que l’on connaît, en remet une couche : « Il y a des choses plus graves dans la vie ».
• Cette interview « première fois » surréaliste pour o Le Parisien, où il parle coupe de cheveux (option mèche longue), McDo et se vante d’être « compliqué avec les femmes ».

Ça aussi, ça l’a fait grandir. L’attaquant (qui a changé d’agent, il faut le noter) fait désormais profil bas et évite les journalistes. Il fait le boulot en zone mixte, Téléfoot ou L’Equipe tous les six mois, et c’est tout. « Plus jeune, il parlait beaucoup. Maintenant, il s’exprime sur le terrain » : c’est avec un grand sourire, un bon poncif et beaucoup de fermeté que l’OM a ainsi rejeté notre demande d’interview.