Les cadavres de bouteilles de bière abandonnés autour du Vieux-Port de Marseille laissent à peine imaginer aux badauds les scènes de chaos de la veille. Si des canettes jonchent encore les rigoles des rues adjacentes, les employés de la propreté s’activent pour les ramasser. Seuls quelques débris de verre minuscules, ici ou là, témoignent des affrontements.

Pourtant, jusqu’à tard dans la nuit de samedi, de violentes bagarres se sont déroulées sur le Vieux-Port, notamment entre les supporteurs du match Angleterre-Russie. Policiers et gendarmes sont finalement intervenus à coups de lacrymogènes et de charges. Au total, trente-cinq personnes ont été blessées, sept sont hospitalisées dont trois dans un état grave. Dix ont été placées en garde à vue.

« Ceux-là ne respectent pas la France, Marseille et le football »

Quelques heures après seulement, le centre-ville a retrouvé sa quiétude habituelle. Les vitrines des commerces sont intactes. Les gabians font des rondes en basse altitude au-dessus du marché aux poissons. Les touristes se prennent en photo sous l’ombrière du Vieux-Port et les bateaux pour le Frioul font le plein.

Les supporters russes et anglais déambulent avec nonchalance et se croisent, sans même un regard. Tous portent l’accessoire en vogue de la matinée : une bouteille d’eau minérale. Comme Félix ne « sait pas choisir », il a opté pour les deux. Dans la main droite une bière, dans la gauche une bouteille d’eau. « Mais petit format ». Ses amis et lui doivent rentrer en Angleterre dans la soirée seulement, alors d’ici là, « il faut garder le rythme », sourit-il.

« La police aurait dû intervenir bien plus tot »

« Tous les supporters de football ne sont pas comme ceux qui se sont battus, estime Félix. Pour moi, ceux-là ne respectent pas la France, Marseille et le football. C’est une fête ! », s’exclame-t-il. « Ils ne sont pas là pour le spectacle mais pour la bagarre, réplique son copain. Les gars sont torse nu, ivres à 15 heures et se déplacent en groupe. Eux, il faut les arrêter à temps ».

« Normalement, si on vous jette dessus des bouteilles en verre, vous vous laissez faire ? s’interroge dans un bon français Nicolas, vêtu d’un tee-shirt aux couleurs de la Russie. Hier soir, j’étais sur le Vieux-Port, c’étaient des scènes de guerre, sous les yeux de la police. Pour moi, elle s’est laissé déborder. Elle aurait dû intervenir bien plus tôt ».

« Il faut mieux prévoir la suite »

Plus loin, des cafetiers installent leurs terrasses, groggy de la veille. « Il faut bien travailler », se justifie un employé. « Tout le monde s’attendait à ce scénario, intervient un patron de bar. On savait qu’avec ce genre de supporters, tout pouvait déraper très vite. Les forces de l’ordre ont laissé trop faire : les types se battent depuis jeudi soir. Il faut mieux prévoir la suite pour que cet Euro se déroule sereinement ».

Car vendredi et samedi, plusieurs commerçants ont été contraints de fermer dans l’après-midi pour « assurer la sécurité du personnel et des clients ».