Marseille: La «plus belle fan-zone du monde» sera-t-elle aussi la plus vide?
SOCIETE•La fan zone marseillaise se trouve à 3 km du centre-ville...Mickael Penverne
Marseille a inauguré ce jeudi matin sa fan zone au Prado, dans le 8e arrondissement. « C’est sans doute la plus belle fan zone du monde, a plaidé le maire de secteur, Yves Moraine. Avec un peu de chance, on pourra même voir quelques dauphins ». Installée sur les plages, derrière la statue du David, elle offre en effet une vue sur mer et un cadre de détente incomparable. Le problème, c’est qu’il faut y aller… Jusqu’au Prado.
Dix fans zones ont été créées en France pour accueillir les supporteurs de l’Euro de football. Elles ont toutes été installées en centre-ville, là où convergent la plupart des transports en commun : Champ de mars à Paris, place des Quinconces à Bordeaux, place Bellecour à Lyon, allées Jules-Guesde à Toulouse, etc. Toutes sauf une : Marseille. Les plages du Prado se trouvent en effet à plus de 3 km du centre-ville et du Vieux-Port, lieu de rassemblement naturel des Marseillais.
Agora naturelle
Certes, la RTM a promis de renforcer son service de bus pour desservir la fan zone mais la première station de métro - il n’y a pas de trmaway dans ce secteur - se trouve à 1,6 km. Pour rejoindre la fan zone, les supporteurs devront marcher quasiment une demi-heure - l’avenue du Prado a d’ailleurs été baptisée la « fan walk ». L’accès en voiture sera également compliqué puisque les soirs de match, la circulation et le stationnement seront très réglementés, voire interdits dans cette zone.
Alors qu’elle a été conçue pour accueillir 80.000 personnes, la « plus belle fan-zone du monde » risque bien de sonner un peu creux. « On nous a demandé de prévoir un site clos et contrôlable pour installer des écrans géants, a expliqué Richard Miron, l’adjoint au maire chargé des sports. C’est vrai que le Vieux-Port, c’est l’agora naturelle de Marseille mais cela pose problème pour les gens qui y habitent et y travaillent ».
Une « crash barrière »
L’élu se dit certain que « la dynamique de l’Euro » amènera les supporteurs jusqu’aux plages du Prado. « Et n’oubliez pas qu’en 1998, les supporteurs sont venus jusqu’ici », a ajouté Dominique Vlasto, l’adjointe au maire chargée du tourisme, oubliant les violents affrontements sur le Vieux-Port entre supporteurs anglais, tunisiens et marseillais qui avaient fait de nombreux blessés et dégâts matériels.
Le budget de la fan-zone marseillaise s’élève à quasiment deux millions d’euros – dont 500.000 euros versés par l’UEFA. Elle dispose d’une « zone village » avec des animations pour les enfants notamment, et de deux « zones matchs » avec deux écrans géants de 160 m2, séparées par une « crash barrière » pour éviter que les supporteurs des deux équipes ne se mélangent trop et en viennent aux mains.
La géolocalisation des portables
Elle sera ouverte et accessible à tous, de 12 heures à 20 heures (jusqu’à minuit, les jours de match). Quarante-cinq matchs y seront diffusés en direct (sur 51). Pour la sécurité, 650 agents seront déployés pour réaliser notamment les palpations aux entrées. Le site est couvert par 11 caméras reliées au Centre de supervision urbain de la ville et au Centre d’information et de commandement de la police nationale.
Les forces de l’ordre disposeront également d’un nouvel outil informatique. La ville de Marseille vient d’acquérir auprès de l’opérateur SFR un logiciel permettant de géolocaliser en temps réel tous les téléphones portables, a révélé Caroline Pozmentier, l’adjointe au maire chargée de la sécurité. Cette nouvelle technologie servira à établir une « cartographie des déplacements » des supporteurs.
Reconnaissance faciale
« Cela va nous permettre d’avoir une photographie proactive des mouvements de population, et d’adapter nos moyens humains à la situation », a-t-elle plaidé. Cette nouvelle technologie sera mise en service dès le match Russie-Angleterre le 11 juin, une rencontre classée à hauts risques par les forces de l’ordre. « Cette solution est garantie par la CNIL (Commission nationale informatique et libertés), assure l’élue. Toutes les données (recueillies) resteront anonymes ».
Caroline Pozmentier ne s’est pas montrée plus précise sur cette technologie mais a promis de présenter « bientôt » ce logiciel qui est censé « garantir toutes les libertés individuelles ». Contacté, le service de presse de SFR n’a pas donné suite. A Nice, Christian Estrosi avait souhaité mettre en place la reconnaissance faciale à l’intérieur de la fan zone. Le gouvernement a refusé. « Cette proposition comporte des risques d’atteinte aux libertés publiques », a justifié il y a quelques jours Jean-Jacques Urvoas, Garde des Sceaux.