Ils étaient ensemble en CM2, dans « la classe de madame Thomas ». Alors forcément, ce matin, Karima a « un pincement au cœur ». La destruction du bâtiment G où a grandi Zinédine Zidane a commencé mercredi à la Castellane (15e), cité des quartiers Nord de Marseille, construite en 1971, et devenue un haut lieu de trafic de drogue.

« Zinédine ne travaillait jamais à l’école, il jouait au ballon tout le temps, dans la cour, au pied de l’immeuble, se souvient Karima. Sa famille est partie il y a longtemps, mais on croise toujours sa sœur à Carrefour, ou au Flunch à Vitrolles, et son père vient encore consulter le médecin de famille à la Casté, assure-t-elle. C’est comme ça, chacun son destin ».

« On aimerait tous partir, même si on y a grandi ici »

Elle, elle aurait bien aimé habiter dans ce bâtiment, ou dans la tour K, vouée à la démolition l’an prochain. « On serait parti d’ici ! Les locataires ont été ou vont être relogés ailleurs », précise-t-elle. « Il y a même une ancienne voisine qui a eu une maison avec un jardin, raconte sa voisine, Farida, 41 ans et autant à vivre dans la cité. On aimerait tous partir, même si on y a grandi ici, c’est plus comme avant, on n’aime plus le quartier. La nuit tout est éteint, on est obligés de sortir avec des lampes de poche », explique-t-elle.

« Ce sontles jeunes qui tiennent tout, estime Sarah. Il y a la police qui passe mais le trafic s’arrête jusqu’à son départ, alors elle nous met des amendes de stationnement… Et avec la destruction de cet immeuble, ce sera beaucoup plus facile pour ces jeunes ».

« Ça va devenir le Mc Do du shit ! Un drive tout beau tout neuf »

Car dans le prolongement du bâtiment G, le parking et la tour K, vont être détruits pour créer une route. Elle traversera la cité d’est en ouest. Un projet à six millions d’euros, dont 2,2 millions de l’ANRU, censé désenclaver la cité et améliorer le cadre de vie des habitants.

Mais pour Nassim Khelladi, le directeur du centre social de la Castellane, bâtiment également voué à la destruction, ce futur axe ne promet « aucun avenir à la cité ». « On ne connaît pas le devenir du centre social, on ne connaît pas le projet et intégrer un projet Anru ne nous a pas donné davantage de moyens », déplore-t-il.

Même si certains habitants sont enthousiastes à l’idée « d’aérer le quartier », de « changer le décor », d’autres restent également sceptiques. « Ça va devenir le Mc Do du shit ! Un drive tout beau tout neuf », se désespère Na, qui vit depuis 44 ans à la Castellane.

« Avec ces démolitions, une chose va changer : ça va faciliter le trafic. Avec "un driving", ça va respirer les pots d’échappements !, pense aussi Staani Sabri, éducateur dans les 15 et 16e arrondissements. Comment créer une alternative à la délinquance ? Je m’interroge vraiment sur le devenir du quartier. »

« La question de l’accès à l’emploi est une priorité »

A côté, à la cité du Plan d’Aou (15e), la rénovation urbaine a débuté en 1998. Elle est toujours en cours, 18 ans après. « Le temps de la transformation est long et nous n’en sommes qu’au début, rassure Hélène Geoffroy, la secrétaire d’Etat chargée de la Ville, venue assister à la démolition et rencontrer les habitants. L’ouverture de la Castellane sur le reste de la ville est un enjeu majeur. Le bâti est un aspect mais la question de l’accès à l’emploi est une priorité. »

Parfois même une nécessité. « Les habitants prennent maintenant les choses à bras-le-corps, assure Nadia Boulainseur, conseillère municipale socialiste du 8e secteur. Ils n’accepteront pas n’importe quoi à n’importe quel prix ». « On parle tout simplement de survie : on n’embauche pas les gens de la Castellane », estime un habitant, pour qui ce premier « coup de pioche » ranime « un espoir » peut être pas si vain.