Survivre en mer, c’est tout sauf ce que vous imaginez
SPORTS NAUTIQUES•Quelles sont les erreurs grossières à éviter?...Christine Laemmel
Avant de partir deux mois seul sur son paddle pour une traversée inédite de l’Atlantique, Nicolas Jarossay anticipe toutes les situations. Les meilleures : se faire pousser par les Alizées, récolter 100.000 euros pour l’asso Rêves qu’il représente et croiser des centaines de dauphins bienveillants. Et les pires : des creux de 10 mètres, l’embarcation qui se retourne, le désalinisateur qui tombe en panne, une orque qui fend le paddle en deux, un bras cassé. Voire tout en même temps.
Il veut traverser l’Atlantique en Stand Up Paddle
Dans ces cas-là, mieux vaut avoir quelques bases de survie. Pour éviter les erreurs classiques, Nicolas Jarossay a suivi un stage de survie en mer à l’Ecole d’Application de la Sécurité Civile (ESAC). 20 Minutes était avec le marin. Et vous aide à démonter les idées reçues.
Non, pêcher pour se nourrir n’est pas forcément une bonne idée
Dans Koh Lanta 4 en 2005, Raphaël a réussi à pêcher un requin au lasso. - TF1
C’est peut-être la première idée de survie qui vient aux novices. Erreur. Si Nicolas apportera bien du matériel de pêche à bord de son paddle, ce sera uniquement en cas d’extrême urgence si sa nourriture lyophilisée est immangeable ou pour s’aérer l’esprit. Le risque d’attirer des requins ou tout poisson inhospitalier est réel. « Si je le dépèce sur le bateau, ce qui est inévitable, rien que l’odeur peut les attirer. » Et si jamais un requin attaque et que vous chutez à l’eau ? « Il faut nager vers lui plutôt que de s’enfuir, explique Nicolas, et lui donner des coups sur le museau ».
Non, boire de l’eau de mer ne doit presque jamais être une option
(Kevin Costner a lui choisi l’option recyclage d’urine dans Waterworld mais ce n’est pas davantage conseillé)
Nicolas est formel. « C’est la première chose qu’on nous apprend dans la phase théorique du stage de survie ». Boire de l’eau de mer aggrave la déshydratation. Seule exception tolérée, « à partir de 72 heures sans eau », explique Nicolas, pour retarder la chute dans le coma, d’après les propos de Mathieu Coulange, son formateur et docteur en physiologie appliquée aux conditions extrêmes, qui le suit dans le cadre de sa traversée. Un scénario qui ne devrait en principe pas arriver à Nicolas, qui emporte deux désalinisateurs manuels avec lui.
Non, un canot de sauvetage n’est pas indispensable pour rester en vie
Canot de survie - C.LAEMMEL
Oui, ça aide. Mais ça pèse 25 kg. Trop lourd pour Nicolas qui devra pousser chaque gramme à bout de bras. Son option ? Une combinaison de survie étanche et flottante avec un boudin sous sa tête. Il pourra dormir voire même tomber dans les pommes, sans couler. « Si je n’ai pas le temps d’enfiler ma combi, anticipe le rameur, je saute dans l’eau et je m’accroche à mon sac de survie flottant ». Dedans : la fameuse combi, une seconde balise de détresse, un second téléphone satellite, 10 litres d’eau, un second désalinisateur, un miroir (voir plus loin), de la nourriture, un gilet de sauvetage.
Non, un miroir n’est pas un gadget
Miroir de signalisation - C.LAEMMEL
Quand on voit la sophistication des appareils embarqués par les marins, on doute un peu quand Nicolas nous dit que dans ses accessoires de survie, il compte sur un miroir. Un petit miroir rond de signalisation qui servira en fait à Nicolas à se faire repérer, grâce au réfléchissement des rayons du soleil, projeté vers un autre bateau, un hélico ou un avion pourquoi pas.
Non, appeler ses proches quand on est au bout de soi-même n’aide pas
Sofia Essaïdi à la Star Académy en 2003. - TF1
Je suis au fond du gouffre, je vais appeler maman pour me remonter le moral. Ce réflexe de Staracadémicien en isolement au château, n’est pas judicieux. « Si tu es dans le besoin d’avoir des contacts, développe Nicolas, c’est que tu es faible. Et au moment où tu raccroches, tu craques pour de bon. » Sur son paddle, Nicolas a donc prévu de laisser son téléphone satellite éteint. Il communiquera avec ses proches par textos avant tout.
Non, un orage n’est pas juste un moment difficile à passer
Simulation de chute à l’eau d’un hélicoptère avec retournement à 180°. - C.LAEMMEL
Fred, un des formateurs de l’ESAC, appelle ça le manège. C’est romantique. La situation l’est moins. « Quand j’étais en mission au Liban, narre l’ancien pilote d’hélico de la marine nationale, j’ai passé une semaine sur dans une énorme tempête, avec tous les hommes qui dégueulaient leurs tripes non-stop. La météo, c’est le pire qui puisse arriver à Nico. » Le concerné fait la moue. Il le sait bien. « C’est l’océan qui décidera de me laisser passer ou pas, acquiesce-t-il. Il y aura forcément deux ou trois jours que je passerai enfermé à l’intérieur. » C’est-à-dire dans sa « cabine cercueil ». Et si elle se remplit d’eau, il devra sortir rapidement. Au risque de finir noyé dans son embarcation. Nico s’est déjà entraîné à la manœuvre sur le prototype. Pendant le stage, il teste une autre situation d’urgence : s’extraire d’un hélico tombé à l’eau. Un cas qui ne devrait pas se produire pendant sa traversée mais qui lui permet de tester sa gestion du stress et de l’enfermement.