Démission de Bielsa: Revivez la dernière semaine d'El Loco à l'OM
FOOTBALL•Il y a 72 heures, le coach argentin louait encore « les efforts » de Vincent Labrune…Christine Laemmel
Son regard aurait difficilement pu le trahir, étant donné qu'on ne l'aperçoit jamais. Sauf ce samedi soir. Furtivement, Marcelo Bielsa lève les yeux vers la salle de presse. C'est la première fois. Il vient d'annoncer, à la stupéfaction générale, qu'il quitte l'OM. Après une semaine qui ne laissait rien présager. Retour sur les dernières heures du fou argentin à l’Olympique de Marseille.
Samedi 1er août: Les retrouvailles sont juteuses. L’OM plante deux buts face à la Juve dans le cadre du trophée Robert Louis-Dreyfus. La pelouse est « catastrophique », dira Mandanda mais le stade est plein et les joueurs alertes. Marcelo Bielsa a droit a sa première ovation de la saison. La première d’une longue série, pense-t-on alors.
Mardi: L’entraînement se déroule normalement. Le site de l’OM gratifie même Marcelo Bielsa d’une photo peu flatteuse, somme toute discutable en terme de communication.
Marcelo Bielsa pendant l'entraînement de l'OM le mardi 4 août - OM.net
Mercredi: C’est ce jour-là que s’est tenu, d’après le récit narré par le traducteur de Marcelo Bielsa samedi, la fameuse réunion. Celle où l’Argentin a découvert « des changements » qu’on voulait lui imposer dans son contrat. En face de lui, l’avocat de Margarita Louis-Dreyfus, le directeur général de l’OM, Philippe Pérez. « J’ai pris en compte tous les changements qu’ils voulaient inclure, en notant les points qui ne devaient pas être modifiés, écrit-il dans sa lettre de démission. Je n’ai négocié avec personne. J’ai seulement écouté. Après cette réunion, j’ai pris la décision que je suis en train de vous transmettre. »
Jeudi 15h30: Rentrée des classes à la Commanderie. Les journalistes sont invités à une conférence de presse. La première de la saison. Ça se montre son nouveau cartable, ça compare son bronzage. Après un Steve Mandanda tout sourire, qui affuble son coach d’un statut « d’homme-clé » de l’OM, le pudique fait son entrée. Les yeux inévitablement baissés sur son pupitre, il loue plusieurs fois « les efforts » consentis par Vincent Labrune pendant le marché estival malgré les circonstances économiques. « Toutes les décisions ont été prises ensemble » dit même le coach, parfaitement traduit par un nouveau venu dans le staff, Nicolas Faure. « On comprend tout mais on rigole moins », s’amusent, insouciants, les journalistes en fin de conférence. A cet instant, la décision du coach est pourtant prise. Et ses atermoiements quand on l’interroge sur la non-signature de son contrat, sous-évalués. « Les termes ont été vus » mais il reste encore des détails à régler, dit-il en substance.
« C'est beaucoup moins drôle sans Fabrice le traducteur. On ne comprend pas le nouveau, il parle trop bien. #Bielsa — WinamaxSport (@WinamaxSport) August 6, 2015 »
Samedi 21h: Le coup d’envoi du premier match de la saison (face à Caen) est donné dans un Vélodrome bouillant, bien que délesté de la partie basse du virage nord. Marcelo Bielsa pose ses fesses sur sa glacière.
« Défilé de petites mains qui replacent les touffes de pelouse avant le coup d'envoi #OMSMC pic.twitter.com/chamBqZGwR — Christine Laemmel (@laemmelc) August 8, 2015 »
Samedi 22h45: Coup de sifflet final. Après un dernier quart d’heure anarchique, une dizaine d’occasions non concrétisées et un superbe but de Delort encaissé, l’OM essuie sa première défaite du championnat, face à sa bête noire normande. Marcelo Bielsa rejoint la salle de presse.
Samedi 23h15: Les dix minutes de conférence de presse s’écoulent normalement, après la défaite calamiteuse face à Caen. Le tacticien explique que Romao était censé « donner un équilibre à l’équipe », que non, « Lemina ne méritait pas de sortir » et que oui, avec autant d’occasions, « on doit pouvoir gagner le match ». Les journalistes sont à peu près repus, prêts à courir vers la zone mixte pour recueillir les impressions des joueurs. L’attaché de presse du club se lève : « bien, merci » et se rassoit aussitôt. Marcelo Bielsa vient de lui faire un petit signe de la main.
Ligue 1: Découvrez la lettre de démission de Marcelo Bielsa en intégralité
Délicatement, il poursuit : «Je voudrais ajouter quelque chose. Je viens de démissionner de mon poste d’entraîneur de l’Olympique de Marseille ». En une poignée de secondes, la salle de presse se tend. Ceux qui sont installés échangent des regards médusés. Ceux qui patientaient à l’arrière en zone mixte, accourent. Au même moment, Vincent Labrune est dans le vestiaire avec les joueurs. Il leur apprend que le coach les quitte.
Samedi 23h20: La nouvelle arrive à l’oreille des supporters. Le réseau social Twitter se déchaîne. Coincés dans les bouchons, les spectateurs du match rentrent doucement chez eux lorsqu’une alerte retentit sur leur téléphone. René Malleville, sous le choc, accroche même son rétroviseur avec celui d’un autre automobiliste. « Il m’a reconnu, il a compris, je me suis senti con », racontera le plus célèbre des fans à 20 Minutes plus tard.
« .@renemalleville est devant la Commanderie : "On se fait ridiculiser aux yeux de la France entière" #Bielsa #OM pic.twitter.com/Ladra7sA61 — Christine Laemmel (@laemmelc) August 9, 2015 »
Dimanche 9h15: Marcelo Bielsa fait son entrée au centre d’entraînement Robert Louis-Dreyfus, quelques minutes avant les joueurs. Il s’adresse à eux 10 minutes et conclut par un « adios ».
Dimanche 9h45: Marcelo Bielsa quitte la Commanderie. La vingtaine de supporters qui ont fait le déplacement le ratent de peu.
Dimanche 15h: La direction du club envoie un communiqué assassin, expliquant « refuser de se soumettre à la loi d’un seul homme ».