Attentat à Marseille: Profil «non inquiétant», personnel absent... La remise en liberté de l'assaillant pose des questions
ENQUÊTE•Ahmed H., en situation irrégulière, avait été arrêté vendredi à Lyon pour vol à l'étalage puis relâché samedi, la veille de la tuerie...Elisa Frisullo
L'essentiel
- Une enquête administrative est en cours pour évaluer si la préfecture du Rhône a été défaillante dans ce dossier.
- Ahmed H. a été remis en liberté samedi car la personne de permanence à la préfecture pour prononcer une éventuelle obligation de quitter le territoire français n’aurait pas été joignable.
- Le centre de rétention de Lyon étant plein, l’assaillant de Marseille aurait probablement été remis en liberté car « il n’avait pas un profit inquiétant », selon une source proche du dossier.
Au surlendemain de l’attaque de Marseille, qui a coûté la vie à Laura et Mauranne, deux jeunes filles de 21 et 20 ans, beaucoup de questions se posent sur le parcours de l’assaillant, Ahmed H., un tunisien de 30 ans en situation irrégulière en France, qui a été remis en liberté samedi à Lyon par les autorités. Pour étudier une possible défaillance de la préfecture du Rhône dans ce dossier, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a saisi lundi l’inspection générale de l’administration.
A la lumière des procédures d’expulsion en vigueur en France, 20 Minutes s’est interrogé sur les circonstances qui ont pu conduire à la remise en liberté de l’assaillant, 24 heures avant la tuerie de la gare Saint-Charles.
- Deux procédures distinctes menées à Lyon à son encontre
Le tueur de Marseille a été interpellé à Lyon vendredi pour le vol d’un pull commis dans un magasin de la Part-Dieu. Ahmed H., connu depuis 2005 des services de police sous sept identités différentes pour des faits de droit commun mais jamais condamné, nie les faits. A l’issue de sa garde à vue, la procédure judiciaire est finalement classée sans suite par le parquet de Lyon, faute d’éléments suffisants. Les services de police se posent alors la question d’une éventuelle expulsion de ce Tunisien et saisissent la police aux frontières.
- Sans réponse de la préfecture, la personne en situation irrégulière est libérée
Lorsqu’un étranger en situation irrégulière est interpellé, « seule la préfecture peut prendre une mesure d’éloignement à son encontre en prononçant une obligation de quitter le territoire français (OQTF) », indique une avocate lyonnaise. Immédiatement ou sous 30 jours. L’OQTF s’accompagne alors, selon le parcours de l’étranger interpellé, d’un placement en centre de rétention ou d’une remise en liberté avec assignation à résidence. « Si à l’issue de la garde à vue, la préfecture n’a pas donné de réponse, les policiers n’ont pas d’autres choix que de remettre la personne en liberté », ajoute l'avocate du barreau de Lyon. Dans le cas présent, même si l’enquête administrative doit encore le confirmer, la personne de permanence à la préfecture pour gérer ces dossiers était absente samedi, selon des informations recueillies par l’AFP.
- Le centre était plein, le profil d’Ahmed H. jugé « non inquiétant »
Samedi matin, le centre de rétention de Lyon Saint-Exupéry était plein, comme souvent. « Il dispose de 120 places mais il est actuellement en travaux. Seules 80 places sont accessibles en ce moment pour répondre aux demandes de placement en rétention de toutes les préfectures de Rhône-Alpes », indique à 20 Minutes une source proche du dossier. Si ce jour-là, la préfecture avait prononcé une OQTF à l’encontre d’Ahmed H., « il est probable qu’il aurait été remis en liberté car le centre était plein et il n’avait pas un profil inquiétant. Ni pour la police, ni pour la justice qui n’a d’ailleurs pas donné suite pour le vol à l’étalage », ajoute cette source, assurant qu’il était « inimaginable qu’il puisse commettre cette tuerie ».
- Cette remise en liberté « n’a rien d’exceptionnelle »
La remise en liberté des étrangers en situation irrégulière interpellés pour ce type de faits n’aurait rien d’exceptionnel. « Cela arrive régulièrement dans le Rhône comme ailleurs », indique une source proche de l’affaire. « Pour de multiples raisons, notamment lorsque les centres de rétention sont pleins ». En général toutefois, les personnes qui « échappent au retour à la frontière ou au centre de rétention et sont remises en liberté sont celles qui n’ont jamais eu affaire à la justice », ajoute un spécialiste du droit des étrangers. Ou ceux qui sont en mesure de prouver leur identité.
Ahmed H. était en possession d’un passeport tunisien lors de son interpellation à Lyon, et les autorités tunisiennes ont confirmé qu’il s’agissait de l’un de leurs ressortissants. Mais si la préfecture du Rhône s’était penchée sur son cas samedi, ses multiples identités et son pedigree de petit délinquant auraient peut-être intrigué l’administration.