Calais: Peut-on vraiment déplacer la frontière (et les migrants) en Angleterre ?
MIGRANTS•Xavier Bertrand suggère à son tour de placer la frontière britannique à Douvres, plutôt qu'à Calais...Olivier Aballain
Et si on plaçait physiquement la frontière franco-anglaise à Douvres (Angleterre) plutôt qu’à Calais ?
Après le 1er adjoint à la maire de Calais en août 2014, après la commission consultative des Droits de l’Homme début juillet, l’idée vient d’être suggérée par Xavier Bertrand, à l’adresse de David Cameron. L’ancien ministre, tête de liste LR (ex-UMP) pour les régionales de décembre 2015, a écrit une lettre en ce sens au premier ministre britannique, rapporte Le Figaro ce jeudi.
Qu’est-ce qui est prévu par les traités ?
Pour gérer l’entrée et la sortie de l’Espace Schengen, dont fait partie la France mais pas le Royaume-Uni, le protocole de Sangatte (1991) puis les accords du Touquet (2003) ont instauré une délocalisation, à Calais, des contrôles à l’entrée du territoire britannique.
La France fait de même, en territoire anglais, pour ceux qui veulent rejoindre les côtes françaises. Sur le papier, la situation est donc identique de chaque côté de la Manche.
Quelle est la situation ?
Ce que les accords n’avaient pas prévu, c’est que le flux est bien supérieur dans le sens France-Angleterre que dans le sens inverse, car les migrants sont attirés par le marché du travail et le système de droit d’asile britanniques.
Conséquence : aujourd’hui, ce sont 3.000 migrants qui sont massés à Calais dans l’attente d’un passage vers l’Angleterre. Dans un avis rendu à l’unanimité le 2 juillet, la commission nationale consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) dénonce ainsi des traités « léonins » (déséquilibrés) qui font de la France « le bras policier de la politique migratoire britannique ».
La demande de Xavier Bertrand s’inscrit dans la droite ligne de la CNCDH en suggérant de « transférer la frontière à Douvres au lieu de Calais » afin que les Britanniques gèrent, sur leur propre territoire, les populations demandant à y entrer.
La demande est-elle réalisable ?
Administrativement, la situation actuelle découle d’une série d’accords dont la CNCDH dénonce d’ailleurs « l’enchevêtrement » et le manque de transparence.
Pas moins d’une douzaine de traités bilatéraux, d’accords et « d’arrangements administratifs » ont été signés sur le sujet entre 1989 et 2014. Pour en modifier les termes, encore faudrait-il les connaître en détail. Or la plupart ne sont même pas publiés.
Un changement des règles, et une relocalisation des contrôles britanniques en Grande-Bretagne, nécessiterait donc une remise à plat des traités. Or le calendrier diplomatique imposerait des délais forcément incompatibles avec l’urgence de la situation sur le littoral calaisien.
Les ministres de l’Intérieur français et britannique ont préféré saluer, dans leur communiqué commun du 2 juillet, la « sécurisation » apportée par l’installation de hautes barrières autour du port de Calais. Plus rapide.