Télécoms: Un FAI associatif au chevet des zones blanches
Reuters
C'est un câble noir qui court le long d'un mur couvert de graffiti, passe sous les grillages et les herbes folles pour rejoindre, à 300 mètres, un centre de traitement de données, porte d'entrée vers Internet.
À l'autre bout de ce câble de fibre optique, dans un entrepôt toulousain devenu résidence d'artistes, quelques passionnés ont branché des ordinateurs et des antennes pour créer Tetaneutral.net, un fournisseur d'accès à internet (FAI) associatif.
Ces «bidouilleurs», ainsi qu'ils se définissent, proposent des connexions Internet pour les particuliers et les entreprises afin d'«éclairer le débat sur la neutralité du réseau» et d'apporter des solutions aux communes situées en «zones blanches», qui ne sont pas raccordées à Internet.
«Mis à part l'échelle, on a la même structure que les gros opérateurs, au point de vue légal et technologique. Et on est enregistrés auprès de l'Arcep», le gendarme des télécoms, souligne Laurent Guerby, président de Tetaneutral et ingénieur de formation.
Au sommet de l'entrepôt, pointées vers l'horizon, de petites antennes blanches permettent de redistribuer vers les abonnés le débit acheminé jusque là par la fibre optique.
Ces «antennes directionnelles» émettent sur des fréquences libres d'utilisation et «coûtent entre 60 et 100 euros», précise le bénévole, qui explique qu'on peut ainsi créer un FAI avec un peu de paperasse et une mise initiale de 12.000 euros.
«Le FAI a un gros pouvoir»
«Tout le monde peut poser des antennes, sous réserve du respect des normes d'émissions et du non-brouillage des autres utilisateurs», confirme de son côté l'Arcep, qui précise que la procédure de création d'un FAI est purement déclarative.
Avec 150 adhérents et une trentaine d'abonnés en an d'existence, Tetaneutral propose des connexions à internet à 45 euros par mois, davantage destinés à des militants qu'à Monsieur Tout-le-monde.
«On ne veut pas grossir indéfiniment. Et on ne va pas prendre comme abonnés des gens intéressés par la performance ou le prix. On ne veut pas avoir de 'clients' en tant que tel, parce qu'on n'a pas de permanents pour intervenir sur notre réseau en cas de panne», explique Laurent Guerby.
«Notre vocation est davantage pédagogique et citoyenne. La vie en ligne est devenue très importante. Or, entre internet et moi, il y a le FAI, qui dispose dans les faits d'un gros pouvoir.»
D'où le développement de ces FAI associatifs, regroupés au sein de la fédération FDN, qui revendique le statut de «plus ancien fournisseur d'accès Internet français encore en exercice», approche des 1.000 adhérents et promeut «un Internet qui appartient à tous».
«Il y a un mouvement en France, des FAI associatifs apparaissent. Le phénomène se développe, même si on est encore loin de ce qui se fait en Espagne», souligne Laurent Guerby.
Marché de niche
Véritable phénomène en Catalogne, le réseau associatif Guifi.net compte ainsi plus de 17.000 antennes et propose une connexion à internet gratuite après acquisition du matériel, une solution particulièrement appréciée des internautes dans une Espagne en crise.
«En France, on a un réseau qui marche relativement bien, alors qu'en Espagne c'est moins le cas. Et puis l'aspect prix compte beaucoup», décrypte le président de Tetaneutral.
Malgré tout, dans certaines zones rurales françaises, l'accès à Internet relève encore du parcours du combattant. Selon l'Arcep, 1% des lignes téléphoniques n'ont pas accès au haut débit en France, soit 330.000 foyers.
Comme d'autres associations, Tetaneutral vient en aide aux élus des communes concernées, en leur apportant une expertise et en les incitant à créer eux-mêmes leur propre FAI.
«Créer un FAI associatif est une des solutions pour couvrir les zones blanches, même si c'est un marché de niche», fait valoir Laurent Guerby.
Marc Delsouc, adjoint au maire de Longages, au sud de Toulouse, reçoit régulièrement les doléances de 400 foyers de sa commune situés en zone blanche et, faute de solution auprès des opérateurs commerciaux, n'exclut pas de monter un FAI local.
«Une grosse partie de la commune est très mal desservie. On est trop loin du point de raccordement à l'ADSL. La fibre optique passe sur le territoire de la commune mais il n'y a aucune 'sortie' de prévu. Quant à la 3G, on capte à peine le 'Edge'», pointe l'élu, qui a pris contact avec Tetaneutral.
«On avance petit à petit sur ce dossier. Et la création d'un FAI est une option possible.»