Livraisons d'armes en Syrie: L'UE en quête d'un improbable consensus
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Le débat s'annonce animé entre les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne, réunis ce vendredi et samedi à Dublin pour examiner l'épineuse question de la livraison d'armes aux opposants syriens, prônée par Londres et Paris malgré la réticence des autres capitales de l'UE.
Quels armements envoyer? A qui et comment? Dans quelles quantités? Quelles en seraient les conséquences sur l'évolution du conflit? Comment s'assurer qu'ils ne tombent pas aux mains des jihadistes? Les questions au menu des discussions sont nombreuses et complexes.
L'objectif est «d'élaborer une position commune»
A Dublin, les ministres n'auront pas à prendre de décisions car leur réunion, prévue de longue date, est «informelle». Mais l'objectif est «d'élaborer une position commune», a indiqué le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, à l'issue du dernier sommet des 27.
Le débat sur la Syrie a été imposé par le président français François Hollande, qui a surpris ses partenaires le 14 mars en réclamant que les Européens «lèvent l'embargo sur les armes» à destination des forces de l'opposition.
La France se retrouve ainsi sur la même position que le Royaume-Uni, qui appelle depuis plusieurs semaines à fournir à l'armée syrienne libre (ASL) des équipements plus efficaces, notamment des missiles sol-air, pour contrer les attaques des avions et hélicoptères de l'armée syrienne.
Londres et Paris sont jusqu'à présent isolés, les autres capitales européennes affichant soit leur scepticisme soit leur hostilité.
De la «finesse diplomatique» attendue
«Le débat n'est cependant pas figé et les positions sont susceptibles d'évoluer», constate un diplomate en poste à Bruxelles, en évoquant le «précédent libyen».
Au printemps 2011, une dizaine de pays avaient décidé de participer à l'opération internationale lancée par les Britanniques et les Français pour instaurer une zone d'exclusion aérienne au dessus de la Libye, sous l'égide de l'ONU. Cette intervention avait été pourtant vivement critiquée, notamment par Berlin.
«La France et le Royaume-Uni, qui sont les seuls pays de l'UE à conserver une véritable ambition stratégique, ont traditionnellement un rôle moteur. Lorsqu'ils s'engagent et mettent en branle leurs moyens, d'autres pays sont prêts à suivre», souligne Vivian Pertusot, directeur de l'institut Ifri de Bruxelles.
Mais, selon lui, il faudra que les deux pays fassent «preuve de finesse diplomatique» pour réussir à convaincre rapidement leurs partenaires, notamment ceux qui, comme l'Autriche, jugent qu'une levée de l'embargo serait une grave erreur.
Nombre d'experts s'attendent à l'émergence d'un «consensus mou» qui déboucherait sur un accord à minima à la date butoir du 31 mai, à laquelle doivent être renouvelées les multiples sanctions, dont l'embargo, adopté par l'UE depuis deux ans contre la Syrie. «Les discussions vont probablement se prolonger jusqu'à cette date», a estimé un diplomate européen.
Washington a de plus en plus de mal à appréhender la réalité de l'opposition syrienne
A la fin mai, il suffira qu'un seul Etat décide de ne pas approuver la prolongation pour que le paquet des sanctions prenne fin. «S'il tombe, chaque Etat retrouve son pouvoir souverain de décider pour lui-même», a expliqué mardi le porte-parole du ministère français, Philippe Lalliot, en réaffirmant l'espoir de la France d'une décision unanime.
A la fin, l'UE risque d'«échouer à parler d'une seule voix sur un dossier diplomatique ou de défense», prédit Gianni Riolta, du Councill on Foreign Relations, en rappelant que cela avait déjà été le cas dans les Balkans dans les années 1990, en Irak en 2003 ou en Libye.
Un diplomate fait cependant remarquer que les Européens ne sont pas les seuls à hésiter sur la conduite à suivre vis-à-vis de la Syrie. Le plus haut gradé américain, le général Martin Dempsey, a ainsi affirmé cette semaine que Washington avait de plus en plus de mal à appréhender la réalité de l'opposition syrienne et ses «multiples facettes». Il a ajouté ne pas savoir à ce stade quelle «option militaire» était à privilégier.