«Lavez le sang par le droit!»... Au procès d'Abdelkader Merah, les parties civiles accablent la défense
PROCÈS•Après quatre semaines de procès, les débats se sont clos ce jeudi pour laisser place aux plaidoiries des avocats de la partie civile…Hélène Sergent
L'essentiel
- Abdelkader Merah est poursuivi pour « complicité d’assassinats » devant la cour d’assises spécialement composée de Paris.
- Son frère cadet, Mohamed Merah, a tué sept personnes à Toulouse et Montauban en mars 2012.
- Abdelkader Merah encourt la peine de prison à perpétuité.
Une « imposture », un « cynisme absolu »… Face aux six magistrats et au président de la cour d’assises spéciale de Paris, les avocats de la partie civile se sont efforcés de démonter point par point la défense soutenue depuis quatre semaines par Abdelkader Merah et ses conseils. Jugé pour « complicité d’assassinats », l’accusé est suspecté d’avoir « sciemment » aidé son frère Mohamed à perpétrer les tueries de Toulouse et Montauban en mars 2012.
Tout au long de ces dix-neuf journées d’audience, les avocats de la défense Eric Dupond-Moretti et Antoine Vey ont dénoncé une instruction « bâclée », une « accusation vide » et une absence des preuves nécessaires à la condamnation de leur client. Une thèse démontée par plusieurs avocats de la partie civile qui ont entamé ce jeudi leurs plaidoiries.
« Tout le désigne »
Philippe Soussi, avocat discret du lycéen Bryan Bijaoui blessé par Merah à l'école juive Ozar Hatorah, ne s’est pas encombré de citations littéraires. Le ton ferme, s’adressant à la cour, jamais aux box, il a cité méthodiquement Abdelkader Merah lors de ses auditions en garde à vue, puis devant le juge d’instruction et lors du procès.
« Tout le dossier relève de l’islamisme radical et du salafisme. Pas le salafisme quiétiste ou politique mais le salafisme révolutionnaire qui prône la violence (…) Tout le dossier relève du réseau djihadiste (…) Tout le dossier démontre qu’Abdelkader Merah connaissait les projets de son frère (…) Tout le désigne, qu’il le veuille ou non, comme le mentor », a-t-il asséné dans une longue anaphore.
Plus lyrique, l’avocat de la famille Monsonego, Simon Cohen a interrogé : « La documentation retrouvée chez lui ne suffirait pas ? Le dessein partagé avec son frère ne suffirait pas ? Il faut quoi encore ? Il faut des moyens matériels ! (…) Et quand vous êtes allé prendre le cheval d’acier [Le scooter volé], dont le bruit fait toujours aussi peur aux survivants que le bruit des balles, c’est pas ça, terroriser ? »
Me Mouhou, régulièrement opposé à Me Dupond-Moretti à l’audience, a balayé l’argument servi vendredi par la défense sur les fichiers audio et vidéo d’Al-Qaïda retrouvés chez Abdelkader Merah : « La défense nous dit "il n’y a que 10 %" de fichiers djihadistes et assure que "lire ce n’est pas adhérer". Oui, pour quelqu’un qui n’est pas ambigu (…) pour quelqu’un qui n’est pas allé dans un institut religieux en Egypte, oui pour quelqu’un qui n’aurait pas été pris la main dans le sac ! ».
« Laver le sang par le droit »
Absent remarqué tout au long de l’audience, Eric Dupond-Moretti a été la cible de nombreuses attaques : « Là où eux seraient du côté du droit, du côté des principes, nous serions du côté de l’émotion, de la compassion (…) mais galvauder la compassion, c’est totalement indigne ! Qui a dit que la compassion empêchait le respect des règles du droit ? » s’est emporté Me Soussi.
Son collègue Mehana Mouhou a, lui, eu des mots plus durs à l’encontre de l’avocat : « Le droit de la défense, ce n’est pas le droit du mépris pour les victimes ! (…) Quelle honte ! Quelle infamie ! Ce procès a été abîmé. »
Tous ont exhorté le président Franck Zientara et les magistrats chargés de juger Abdelkader Merah à condamner l’accusé. Qualifié de « virus », de « djihadiste dangereux », de « mentor idéologique », le frère aîné du tueur au scooter serait selon la partie civile responsable de la radicalisation de Mohamed Merah.
« Au fond, Abdelkader Merah a inversé un principe du Coran qui dit "Quand ton fils a grandi, fais de lui ton frère". Lui, quand son frère a grandi, il en a fait son fils, l’a mis sous sa coupe. Il en a fait un disciple, un soldat », a lâché Simon Cohen. Dans un dernier mot adressé à la cour, Mehana Mouhou a conclu : « Depuis cinq ans, la famille Ibn Ziaten lave le sang par les larmes. Je demande à la cour de laver le sang d’Imad par le droit. »