PROCÈSAbdelkader Merah ne reconnait «aucunement les lois forgées par l’homme»

«Je ne reconnais aucunement les lois forgées par l’homme», affirme Abdelkader Merah à son procès

PROCÈSCe vendredi, au 15e jour du procès d’Abdelkader Merah, l’accusé a expliqué à la cour sa vision et sa pratique radicale de l’islam…
Hélène Sergent

Hélène Sergent

L'essentiel

  • Abdelkader Merah est poursuivi pour «complicité d’assassinats» devant la cour d’assises spécialement composée de Paris.
  • Son frère cadet, Mohamed Merah, a tué sept personnes à Toulouse et Montauban en mars 2012.
  • Abdelkader Merah encourt la peine de prison à perpétuité.

«Prosélyte », « savant », « salafiste »… Depuis quinze jours, enquêteurs, proches et témoins qui se sont succédé à la barre devant la cour d’assises spéciale de Paris ont dépeint un accusé radicalisé voire « dangereux ».

Ce vendredi et pour la première fois, Abdelkader Merah a pu développer devant les magistrats sa conception et sa pratique de l’islam. Suspecté d’être le mentor idéologique de son frère Mohamed Merah, le Toulousain proche de la mouvance islamiste locale encourt une peine de prison à perpétuité.

« Musulman orthodoxe »

Dès le début de son audition, Abdelkader Merah a réfuté toute appartenance au courant « salafiste », préférant le qualificatif d'« orthodoxe » : « L’islam n’est pas un costume que l’on met en rentrant chez soi et qu’on enlève quand on sort (…) Je ne reconnais aucunement les lois forgées par l’homme, exclusivement les lois légiférées par le créateur qui est Allah. »

Tout au long de l’audience, l’accusé s’est défendu de toute tentative de « dissimulation ». Il s’est en revanche prêté à un numéro d’équilibriste qui n’a convaincu ni les parties civiles, ni l’avocate générale.

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Abdelkader Merah ne s’en cache pas, il n’écoute pas de musique : « C’est interdit dans l’islam. » Il fuit la ville et s’installe à la campagne pour éviter « les tentations et turpitudes », soit « les femmes et la fornication », précise-t-il. Abdelkader Merah est pour la constitution d’un « état musulman » non pas d'un « état islamique » et considère la démocratie comme une « religion ». Voilà pour la pratique. Mais ce procès n’est pas celui de l’islam et les conseils ont essayé parfois vainement de rattacher l’idéologie religieuse de l’accusé aux tueries de son frère Mohamed.

« J’espère qu’il est au paradis »

Les enquêteurs ont retrouvé chez Abdelkader Merah des milliers de fichiers dont plusieurs centaines d’ouvrages sur Ben Laden, les mécréants, des références doctrinales salafistes, des vidéos de propagande. « Mais aussi une recette de cannelloni au porc ! », tacle son avocat Eric Dupond-Moretti. Quand on l’interroge sur son adhésion éventuelle aux thèses contenues dans sa bibliothèque, l’accusé défend une volonté « d’apprendre », de « connaître » et d’aiguiser son « regard critique ».

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Au-delà de ses références littéraires, c’est son rapport aux assassinats commis par son frère qui a particulièrement intéressé Laurence Cechman, avocate d’un élève du lycée Ozar Hatorah. Citant à plusieurs reprises des extraits d’écoutes au parloir lors de sa détention, Me Cechman a dénoncé une « esquive » permanente. « Le cadeau que Mohamed m’a fait, personne ne me l’a fait », se serait réjoui l’accusé auprès de sa mère. Explication d’Abdelkader Merah : « Dans l’islam, le créateur nous éprouve (…) je ressens personnellement cette détention comme une épreuve et une purification. »

L’avocate poursuit et l’interroge : « C’est quoi un martyr ? » Abdelkader Merah : « Il y a plusieurs définitions ». « Et Mohamed Merah, il est mort en martyr ? », tente Me Cechman. Réponse : « Ha ça, je ne sais pas… ». Vient ensuite la lecture du récit exalté d’un rêve d’Abdelkader raconté à sa mère. Dans ses songes, l’accusé a vu son frère au paradis, entouré de vierges : « Il était beau, si beau ! », décrira-t-il au parloir.

- « Vous pensez que votre petit frère est au paradis ? », demande Laurence Cechman

- « J’espère tous les jours que mon petit frère est au paradis, oui. »

Dans la salle, les parties civiles s’étranglent. Les mères d’Imad Ibn Ziaten et Abel Chennouf, militaires victimes de Merah, échangent un regard atterré, dodelinent de la tête, dépitées.

Le temps semble s’étirer, les mêmes questions reviennent en boucle. Dernière à interroger l’accusé, la défense a dénoncé une « accusation idéologique en ricochet » : « On tente de prouver que ce serait vous le relais entre ce que pense Mohamed et le contenu de ce que vous lisez (…) mais ce n’est pas parce qu’on lit qu’on adhère ! ».

L’audience doit se poursuivre lundi et jusqu’au 3 novembre.