Beats Music veut défier Spotify en misant sur les recommandations humaines
HIGH-TECH•Le service de streaming de Dr Dre fait ses débuts aux Etats-Unis. L'Europe, elle, devra patienter...Philippe Berry
Deux personnalités du monde de la musique peuvent-elles réussir à gagner de l'argent avec un service de streaming? Alors que Spotify, Pandora et Deezer restent dans le rouge, Dr Dre et Jimmy Iovine (du label Interscope) ont lancé, mardi, Beats Music. Assez classique, le service du fabricant de casques audio dit vouloir se démarquer de la concurrence par des «curateurs» humains pour offrir des playlists de qualité. Impressions.
Le service: Par abonnement uniquement
Après une période d'essai de sept jours, il faut payer 9,99 dollars par mois. Il n'existe pas d'offre gratuite financée par la publicité, comme sur Spotify, Deezer ou Pandora. Même avec l'aide de l'opérateur AT&T, convaincre les utilisateurs de payer ne sera pas chose facile: sur 24 millions d'utilisateurs, Spotify ne compte que 6 millions d'abonnées. Plus gênant, Beats Music est pour l'instant «mobile only», sans logiciel ou site pour PC/Mac. Comme sur Google Music et la plupart des offres premium, on peut stocker ses titres préférés en local, par exemple, pour les écouter dans l'avion.
Le catalogue: Bien, peut mieux faire
Beats Music revendique environ 20 millions de titres, contre 24 millions à Spotify. Tant que l'on reste dans le grand public, aucun problème. Même des artistes moins mainstream, comme le Français Gesaffelstein, sont là, ou encore la révélation britannique 2013, Sam Smith. Ça se gâte pour les chansons très récentes. Au hasard: «Drop the Game» (Flume ft Chet Faker), «Hold Me Down» (Mansionair) ou «Murakami» (Made in Heights), trois titres rafraîchissants de la fin 2013, sont introuvables, sur Beats Music comme sur Spotify. Bref, pour découvrir les dernières nouveautés –le temps que les droits de licences soient négociés– ça se passe encore par une démarche proactive sur SoundCloud, les blogs et le site The Hype Machine.
Les recommandations: Ludiques et parfois pertinentes
A l'installation, l'utilisateur précise son âge, sa localisation et son sexe. Il choisit ses genres préférés ainsi que trois artistes parmi une liste de noms. Par exemple, rock, electro, hip-hop, et Bad Religion, Darkside et Kendrick Lamar. L'app suggère ensuite des playlists comme «Le pop-punk des années 90» (correspondant aux années lycées), «Le meilleur de Nicolas Jaar» ou «10 titres incontournables sur Los Angeles». Un mode «humeur» assez fun permet de jouer des «phrases» comme «Je suis chez moi / en pré-soirée / avec des amis / sur de l'electro». Le résultat? Une sélection de qualité avec The Knife et Simian Mobile Disco, mais qui n'est pas vraiment adaptée pour s'enfiler des shots de tequila avant de sortir. «Je suis dans mon lit / pour faire des mauvais choix / avec une collègue / sur du funk des années 70» propose Marvin Gay et Otis Redding. Pour le reste, Beats repose plus sur l'humain que sur des algorithmes. Le service s'appuie sur un staff de «curateurs» complétés par des professionnels (artistes, producteurs, magazines spécialisés) pour suggérer des playlists. Pour l'instant, elles restent assez convenues.
Le verdict: Un service payant qui ne se démarque pas assez
De tous les services musicaux, Beats Music a sans doute la meilleure interface, véritablement pensée pour le mobile. Pour le reste, malgré les promesses de suggestions «sur-mesure», l'offre reste assez classique. Spotify et Deezer ont aussi des curateurs, des partenariats avec de grands magazines et intègrent mieux les réseaux sociaux. Bref, avant de passer à l'assaut de l'Europe, dans les prochains mois, Dr Dre ferait bien de muscler son offre. Surfer sur le succès de ses casques ne suffira pas.