«Rayman Legends»: Un jeu dingue et beau raconté par son créateur Michel Ancel
•INTERVIEW – Le Français Michel Ancel, chez Ubisoft Montpellier, explique comment il a créé le jeu de plateformes «Rayman Legends»…Joel Metreau
C’est le père des incontournables «Lapins Crétins». C’est aussi l’auteur du culte «Beyond Good & Evil», avec une des premières héroïnes de jeu vidéo, et le créateur de la saga «Rayman», qu’il a dépoussiéré en 2011 avec «Rayman Origins». Deux ans plus tard, au sein du studio Ubisoft Montpellier, il sort l’époustouflant jeu de plateformes «Rayman Legends».
En quoi «Rayman Legends» a été conçu comme un jeu artisanal, comme le précédent «Rayman Origins»?
Les deux jeux ont été réalisés dans la continuité, avec la même méthode. L’équipe était encore plus habituée aux outils et s’est permis plus d’essais. Ce qui caractérise aussi la dimension artisanale, c’est la proximité entre les personnes. Car c’est quasiment la même équipe aux postes-clé. Et puis ce sont des jeux de passion. Il faut que chaque personne ait envie de les faire.
Comment avez-vous allumé ce feu d’artifices d’idées dans «Rayman Legends»?
On a ouvert la porte aux détails, par exemple avec des personnages qui bougent dans le décor. J’ai dit aux artistes et aux animateurs: «Vous avez les outils qui vous permettent d’intégrer des choses sans passer par les programmeurs, à vous de le faire si vous en avez envie.» Pas besoin de demander la permission ou de rentrer dans des protocoles. En travaillant à échelle humaine, on laisse les gens rajouter des éléments qui donnent l’impression d’énergie et de vie.
Le groupe Ubisoft vous laisse-t-il une grande liberté?
Oui. Chez Ubisoft, il y a des grands projets qui exigent une attention éditoriale plus forte comme «Assassin’s Creed» ou «Watch Dogs». Là, c’est très contrôlé. Mais grâce à ces grands projets qui permettent aussi de rentabiliser la société, sur Rayman on peut être plus libre.
Comment conçoit-on les niveaux?
En cherchant une identité pour chacun d’entre eux. Par exemple, tout un niveau qui s’enfonce dans le sable. Un jeu n’a pas de sens si c’est juste une redite du précédent, si c’est une idée qu’on dilue cinquante fois. Et parfois il y a des surprises. On travaille sur un niveau et une autre idée émerge et va générer un nouveau niveau.
Quel genre de surprises?
Il y avait un niveau où l’idée, c’était que le joueur grignote un peu le décor avec son personnage. Après un bug, un personnage s’est mis tout seul à grignoter. Du coup, on a eu l’idée de tout un niveau basé sur des bêtes qui dévorent le décor et le transforment pendant qu’on joue. Ça crée une identité en soi. Et puis il y a aussi les invasions…
Euh… Les invasions?
C’est ce qui permet de renouveler complètement le contenu d’un niveau. Par exemple dans «Rayman», si le monde aquatique envahit le monde mexicain, de l’eau va apparaître. Du coup on passe d’un gameplay de marche à celui de nage. Le niveau n’a plus rien à voir.
Comment avez-vous conservé l’aspect grand public?
C’est toujours délicat. Des gens adhèrent à un visuel, à une énergie, à un style. Mais parfois le jeu n’est pas pour eux. Car il est trop dur ou trop long. On a voulu répondre à ces problématiques, tout en considérant le cœur de cible, les gamers fans de la série. C’est des heures et des heures de meetings. On réfléchit à comment le jeu peut s’organiser de manière à ce que chaque personne ait son rythme de progression dans le jeu.
Dans «Rayman Legends», on doit sauver les Ptizêtres. Quelles sont leurs origines?
C’est d’abord un vieux dessin, comme «Les Lapins crétins» ou «Rayman», que j’ai fait sur un coin de table. Ils sont apparus dans «Rayman 2», comme une petite tribu. On voulait les faire revenir dans «Rayman Legends». Et plutôt que de sauver des personnages abstraits, je voulais plus de scénarisation. Donc ils se font torturer et massacrer dans tous les coins (rires). Ça rajoute un peu de personnalité, on n’est pas juste à récolter des pièces ou des étoiles. On est aussi à libérer des personnages, il y en a 700, qui vont investir le menu principal. C’était amusant de mélanger la progression du joueur avec la transformation de son menu. On met de la vie, c’est moins abstrait que des chiffres.
Vous n’avez pas l’impression de donner un coup de vieux à Mario?
Mario, c’est un peu le Bordeaux du jeu vidéo, c’est la tradition, le goût qu’on a envie de retrouver, et c’est sa force. Changer Mario, ce serait la première bêtise que pourrait faire Nintendo. Dans le cas de Rayman, on est davantage dans un happening artistique et les festivités. C’est le contre-pied, mais on se décarcasse pas mal pour aller chercher des innovations. Cela dit, il y en a eu pas mal dans «Super Mario Galaxy». On essaie d’apporter au sein de «Rayman» une certaine créativité.
Le trailer de lancement: