Bruxelles précise ses plans pour la neutralité du Net
WEB•La commissaire européenne, Neelie Kroes, veut empêcher le blocage ou le ralentissement de certains services mais ses détracteurs l'accusent de faciliter la création d'un Internet à deux vitesses...P.B.
Dans les grandes lignes, le discours de Neelie Kroes visant à «garantir la concurrence et un Internet ouvert en Europe» va dans le bon sens. Mais quand on parle de neutralité du Net, le diable se cache dans les détails. Et selon ses détracteurs, le plan de la commissaire européenne en charge du numérique cède trop de terrain aux acteurs des télécoms alors que le temps presse avant les élections européennes de mai 2014.
Les bons points
Mardi, elle a milité pour un texte interdisant aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) et aux opérateurs de ralentir ou de bloquer certains services. Selon elle, plus de 100 millions d'Européens subissent, souvent sans le savoir, des restrictions. Du côté de la téléphonie, des acteurs dégradent le débit alloué à Skype ou Whatsapp pour privilégier leurs produits.
Sur les connexions Internet à domicile, certains, notamment en Allemagne, ont imposés des quotas mensuels de téléchargement; sauf qu'ils ne comptent pas, par exemple, les octets de leur offre de VOD alors qu'ils comptabilisent des données concurrentes. Selon Kroes, garantir un principe de «non discrimination» au niveau des tuyaux est vital pour protéger l'innovation et éviter que les gros acteurs aient un avantage compétitif sur les petits.
Neelie Kroes réclame encore une transparence totale sur les offres et veut que les abonnés puissent changer de fournisseurs à n'importe quel moment, sans pénalité.
Les interrogations
«Si vous avez acheté un système de vidéoconférence, vous voudrez sans doute une offre vous garantissant un débit de qualité constante. Si vous êtes prêts à payer davantage pour cela, aucune règle européenne ne devrait vous en empêcher», dit Kroes. Traduction: elle propose une voie rapide payante, garantie sans bouchons. Pour l'association La Quadrature du Net, la commissaire a «cédé sous la pression des opérateurs». Ces derniers réclament depuis longtemps plus de flexibilité pour proposer un menu à la carte.
Kroes, comme les opérateurs, justifie le besoin d'une plus grande flexibilité par «l'explosion» du volume des données, mais certains contestent ce point. Chris Marsden, de l'University of Sussex, souligne que les prévisions de Cisco sur le trafic européen ont été largement revues à la baisse, rapporte Gigaom. Il y a une augmentation, surtout du côté de l'Internet mobile, mais les bénéfices des opérateurs leur laissent largement de quoi mettre à niveau leur réseau sans toucher au principe de la neutralité du Net, estime-t-il.
Reste enfin à savoir quelle approche la commissaire compte employer pour garantir la neutralité du Net. Une recommandation européenne pourrait être adoptée d'ici la fin de l'année mais serait non contraignante. Un texte imposant des régulations devrait, lui, être voté au Parlement européen. Et pour y arriver d'ici le printemps, Neelie Kroes va devoir mettre un coup d'accélérateur.