Le débat sur la liberté d'installation des médecins relancé

Le débat sur la liberté d'installation des médecins relancé

Lutter contre les déserts médicaux en limitant la liberté d'installation ...
© 2012 AFP

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Lutter contre les déserts médicaux en limitant la liberté d'installation des médecins : cette idée, avancée pour la première fois par le Conseil de l'Ordre (Cnom), n'a jamais été appliquée face à la pression des syndicats qui y sont farouchement opposés et privilégient l'incitation.

De façon totalement inédite, le Cnom a proposé mardi que tout jeune médecin soit obligé de s'installer pendant cinq ans dans la région où il a été formé, afin de remédier au problème des déserts médicaux.

Cette recommandation contraignante constitue une petite révolution dans le monde médical, où syndicats et pouvoirs publics ont toujours favorisé les aides financières pour inciter les médecins à exercer dans les zones déficitaires.

"Chez les médecins, il y a le tabou de la Charte de 1927 (qui pose comme principe la liberté d'installation), et là, c'est un tabou qui tombe même si ce n'est pas une atteinte à la liberté d'installation totale puisque c'est régionalisé", estime Didier Tabuteau, directeur de la chaire santé de Sciences Po' Paris V.

"C'est quand même le Conseil de l'Ordre qui pose la question de la liberté d'installation et c'est important dans le débat public", ajoute-t-il, tout en relativisant le poids du Cnom dans la profession.

Toutes les tentatives des pouvoirs publics de contraindre les médecins ont jusqu'ici échoué, à l'image des dispositions prévues dans la loi Bachelot en 2009 puis retirées sous la pression syndicale.

Dernière en date, une proposition de loi du député Philippe Vigier (NC), incluant des mesures contraignantes, a été rejetée par l'Assemblée nationale mi-janvier.

Les trois principaux syndicats de médecins (CSMF, SML et MG-France) ont exprimé leur opposition à la proposition du Cnom.

Mercredi, les jeunes médecins sont montés au créneau faisant part de leur "incompréhension" à travers un communiqué commun de trois syndicats (Anemf, Isnar-IMG et ReAGJIR).

"Les jeunes n'assumeront pas seuls les erreurs de gestion de l'offre de soin de leurs aînés", écrivent-ils, dénonçant un "processus coercitif inacceptable". D'autres pays "ont essayé la mise en place de mesures coercitives et en sont revenus", selon eux.

De son côté, le syndicat national des jeunes médecins généralistes évoque une proposition "discriminatoire".

"On ne peut pas considérer que les mesures incitatives aient été inefficaces tant que nous ne sommes pas allés au bout du système", soulignent enfin les jeunes médecins de la CSMF (premier syndicat de médecins), en réponse au Cnom qui considère l'incitation comme un "échec".

Aides à l'installation en zone sous-dotée, revalorisation de la rémunération pour les médecins qui vont aider ponctuellement leurs collègues dans les zones déficitaires : la convention signée en 2011 entre la Sécurité sociale et les syndicats de médecins prévoit plusieurs mesures incitatives.

Mais selon la CSMF, elles ne sont pas appliquées car les ARS (Agences régionales de santé) n'ont pas encore établi de nouvelle cartographie des besoins.

D'autres mesures incitatives ont toutefois montré leurs limites, à l'image du CESP (contrat d'engagement de service public) qui n'a pas rencontré le succès escompté. Ce dispositif prévoit de rémunérer l'étudiant en médecine (1.200 euros bruts par mois) s'engageant à exercer dans une zone sous-dotée durant une période identique à celle où il a perçu son allocation.

"Le problème des incitations, c'est que c'est assez faible : les gens, même s'ils sont un peu mieux payés au début font un calcul sur le cycle de vie, sur toute leur carrière", estime l'économiste de la santé Claude Le Pen, ajoutant qu'il y a "d'autres facteurs" qui déterminent le choix du médecin.

Reste que le Cnom entend promouvoir ses recommandations auprès du nouveau gouvernement, alors que la ministre de la Santé, Marisol Touraine, favorable à la liberté d'installation, reçoit cette semaine plusieurs syndicats du monde médical.

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