L'ex-gangster Alain Caillol raconte le rapt du baron Empain, "homme exceptionnel"
A bientôt 70 ans, l'ex-gangster Alain Caillol raconte dans un ...© 2012 AFP
A bientôt 70 ans, l'ex-gangster Alain Caillol raconte dans un livre paru jeudi l'enlèvement du baron Empain en 1978, le "syndrome de Stockholm inversé" des ravisseurs, "l'acte manqué" qui l'a mené en prison et la poignée de main, 30 ans après, avec sa victime.
"Lumière" (Cherche Midi) défend l'innocence de certains des huit condamnés dans cette affaire et présente deux protagonistes jamais inquiétés, Idir et Mathieu (le seul survivant avec Caillol).
Et surtout "je voulais dire à M. Empain le respect qu'on avait pour lui", raconte dans un entretien avec l'AFP Alain Caillol: "Ca me travaillait depuis longtemps. Je ne voulais pas mourir ou qu'il meure sans lui dire la vérité".
"J'ai revu récemment M. Empain, ça s'est bien passé. Il m'a tutoyé d'entrée, moi je n'y arrivais pas. On a parlé de choses qui ne regardaient que nous deux. Il m'a serré la main", narre l'homme mince aux cheveux gris, visage émacié.
Le 23 janvier 1978, Edouard-Jean Empain est enlevé à Paris. L'affaire fait grand bruit: son groupe, Empain-Schneider, pèse des milliards, 150.000 employés, 300 sociétés dont des fleurons comme Framatome (nucléaire), Creusot-Loire (métallurgie) ou Spie Batignolles (BTP).
Sa captivité durera 63 jours. La rançon demandée est colossale, 80 millions de francs. Les ravisseurs envoient à sa famille l'auriculaire du baron pour prouver leur détermination. Les négociations s'arrêtent, reprennent, la remise de l'argent est reportée... Après plusieurs semaines, l'exécution du prisonnier est envisagée, soumise au vote, abandonnée.
Petit à petit, les ravisseurs découvrent "un homme exceptionnel par son courage", admet le gangster: "il y a eu un syndrome de Stockholm inversé. Il nous a dominés moralement. Chacun a vu en lui le rêve de ce qu'il voulait être: beau, riche, puissant, intelligent..."
La police patauge, envisageant l'enlèvement politique (les Brigades rouges sévissent alors en Italie), ou un lien avec la vie privée de l'aristocrate (dettes de jeu, infidélités...).
"Ils l'ont détruit avec ça", se souvient Caillol, selon qui peu de monde s'est mobilisé pour sauver le captif: ni les politiques en raison d'"antipathies personnelles", ni le groupe industriel, ni même sa famille. A sa libération, le baron exprimera sa déception à l'égard de ses proches qui avaient déjà vendu sa voiture et réparti l'héritage.
L'affaire se dénoue le 24 mars 1978. Là, Alain Caillol admet un "acte manqué": "Quelque part, je savais que de rançon, il n'y en aurait pas. Et je ne pouvais me décider à le tuer. Est-ce que je suis allé vers la mort, mon arrestation? Je ne sais pas, mais c'était quelque part où c'était interdit d'aller!"
Lui qui a toujours évité tout contact physique avec la police, il se porte au-devant du porteur de rançon, sur une autoroute du sud parisien. Et la police lui tombe dessus dans un déluge de balles: il en prend deux dans le bras, son copain Daniel Duchâteau y laisse la vie.
Le lendemain, il propose d'appeler ses complices pour leur demander de relâcher Empain, craignant son exécution. Les enquêteurs reconstituent le numéro d'après les impulsions électriques du cadran, tout le groupe tombe, mais il avait déjà libéré le baron.
Le livre, un peu flou sur certaines responsabilités, se lit comme un bon polar: on y croise un Jacques Mesrine psychotique ("en sortant acheter un éclair au chocolat, il pouvait tuer deux flics! C'était lourd..."), ou encore Michel Ardouin, dit "le porte-avions" à cause de l'arsenal qu'il trimballait.
Sorti de prison en 2009 - cinq ans pour "une histoire de coke, un petit trafic", qui s'ajoutaient aux 11 années pour l'affaire Empain - Alain Caillol se défend d'avoir cherché la rédemption dans l'écriture: "je ne suis pas du tout dans le trip chrétien. Tout ça c'est des mots".