Charm-el-Cheikh : retour sur deux ans d'enquête

Charm-el-Cheikh : retour sur deux ans d'enquête

De janvier 2004 à mars 2006, retour sur les étapes d'une enquête difficile

De janvier 2004 à mars 2006, retour sur les étapes d'une enquête difficile

2004

3 janvier
Un Boeing 737 de la compagnie égyptienne privée Flash Airlines s'abîme à l'aube en mer Rouge, quelques minutes après son décollage de Charm el-Cheikh (nord-est de l'Egypte). On ne compte aucun survivant parmi les 148 personnes à bord, dont 134 Français, une Marocaine et 13 membres d'équipage égyptiens.
Selon les premiers éléments de l'enquête, l'avion qui devait relier Paris via Le Caire a tenté un virage sur la droite puis a piqué du nez depuis une hauteur de 1.500 mètres et a percuté l'eau 17 secondes plus tard. Le pilote n'a émis aucun signal de détresse.
Une information judiciaire est ouverte pour "homicide involontaire" par le parquet de Bobigny (Seine-Saint-Denis), zone où se trouve l'aéroport de Roissy qui attendait le vol FSH 604.
L'Office fédéral de l'aviation civile suisse (Ofac) déclare que Flash Airlines n'est plus autorisée à pénétrer dans l'espace aérien helvétique, suite à un contrôle inopiné en octobre 2002 qui a révélé d'"importants manquements".

4 janvier
Sur place, les équipes de secours françaises et égyptiennes réussissent à récupérer 60 restes de corps. Les recherches s'avèrent difficiles car l'avion repose en profondeur dans les eaux du golfe de Naama.
Le juge d'instruction de Bobigny délivre une commission rogatoire internationale.
Le voyagiste Fram, principal affréteur du vol charter, déclare qu'il n'avait pas été informé de l'interdiction de Flash Airlines en Suisse.
Le ministre des transports Gilles de Robien confirme que la France avait reçu un avis de réserve de l'Ofac, mais que trois contrôles avaient été réalisés depuis par l'aviation civile française et que les deux derniers, à l'automne 2003, étaient "sans aucune réserve".

5 janvier
La polémique prend de l'ampleur avec plusieurs témoignages d'anciens passagers qui font état de la vétusté des avions de Flash Airlines.
L'Ofac (Suisse) précise que l'interdiction de survol était due à des "lacunes manifestes d'entretien dans les secteurs du train d'atterrissage, du groupe motopropulseur et des commandes de vol". Selon le PDG de Flash Airlines, Mohamed Nour, l'interdiction n'était "pas liée à des questions de sécurité", mais à un manque de documents.
La Marine française détecte le signal d'une des deux boîtes noires, à une profondeur hors de portée du robot "Achille" déjà sur place.

6 janvier
Une enquête est ouverte en Italie, d'où l'avion avait décollé la veille du drame.

7 janvier
Alors que le signal de la seconde boîte noire est détecté, la France décide l'envoi du navire "Beautemps-Beaupré" chargé de photographier les fonds marins. France Telecom met à disposition le "Scorpio 2000", un engin sous-marin téléguidé capable de remonter des pièces de 500 kg, jusqu'à 1.100 mètres de profondeur.

8 janvier
La France annonce également l'envoi du "Janus II", navire de recherche de la Comex, avec à son bord le robot "Super-Achille", capable de descendre jusqu'à 1.000 mètres de profondeur.

9 janvier :
L'Egypte "exclut totalement la possibilité d'un acte hostile ou terroriste" dans la catastrophe.

13 janvier
Le Scorpio effectue sa première plongée opérationnelle en mer Rouge, à 1.000 mètres, pour tenter de récupérer les boîtes noires du Boeing. Il rentre bredouille.

16 janvier
L'émetteur d'une des deux boîtes noires du Boeing est finalement localisé à 1.023 mètres de profondeur grâce à des bouées expérimentales de localisation.

17 janvier
La boîte noire des paramètres de vol est récupérée par le robot Scorpio et remise le lendemain aux enquêteurs égyptiens.

18 janvier
La deuxième boîte noire est récupérée par le Scorpio et remise au président de la commission égyptienne d'enquête, Chaker Quelada. Elle comporte les derniers messages entre le pilote et son équipage, avant la chute de l'avion. Les deux boîtes noires seront décryptées par les Egyptiens et les informations qu'elles contiennent seront ensuite partagées avec les experts français et américains
Le juge d'instruction de Bobigny (Seine-Saint-Denis) André Dando, en charge de l'enquête judiciaire française sur le crash de l'avion, se rend en Egypte. Il est reçu le lendemain par le procureur général égyptien Maher Abdel Wahed.

20 janvier
De grosses pièces appartenant aux deux moteurs du Boeing sont retrouvées à quelque 1.030 mètres de fond. La thèse de l'attentat terroriste est écartée à la suite d'une "première lecture" des boîtes noires par les enquêteurs, qui privilégient des "causes techniques, et des erreurs de pilotage ou les deux à la fois pour expliquer la catastrophe de Charm el-Cheikh.
Le même jour, le Carnard Enchaîné révèle que le rapport d'inspection de l'Office fédéral suisse de l'aviation civile (Ofac) sur les avions de la compagnie charter égyptienne Flash Airlines n'était "pas si lourd que cela".

23 janvier
Le ministre égyptien de l'Aviation civile Ahmed Chafik confirme que les résultats préliminaires du décryptage des boîtes noires montrent que le crash est dû à une "panne technique".

28 janvier
L'enquête révèle des "contradictions" entre le déroulement du vol et les données enregistrées par les boîtes noires. D'après les boîtes noires, "l'avion aurait dû se diriger vers une direction, mais en fait il est allé vers une autre", explique le président de la commission égyptienne d'enquête.

31 janvier
Un enquêteur français déclare qu’il y a des "suspicions sur un problème de la dérive" (gouvernail de direction de l'avion) du Boeing 737 de Flash Airlines. Mais selon lui, l'hypothèse d'une défaillance de ce gouvernail de direction, pour expliquer la cause du crash, devra être confrontée aux données contenues dans les deux boîtes noires et à l'examen des autres pièces de l'avion qui ont déjà été repêchées.

4 février
Le frère d'une victime de la catastrophe aérienne de Charm el-Cheikh, qui a annoncé son intention de créer une association des familles, émet sur Canal + des doutes sur l'enquête sur l'accident.

5 février
Le directeur du Bureau enquêtes et analyses (BEA) de l’aviation civile française affirme dans un entretien au Monde que l’équipage du Boeing 737 n’a pas paniqué "jusqu’aux trois dernières secondes". Selon les informations livrées par les boîtes noires, l’avion, arrivé à 1700 mètres, très incliné sur le côté, commence à piquer. Mais "ce n’est que très tard que les personnes présentes dans le cockpit se rendent comptent qu’elles sont en situation critique".

13 février
Le BEA indique que l’enquête s’oriente vers un défaut de la chaîne de commandes de l’appareil, le virage à gauche du Boeing s’étant brutalement inversé vers la droite au cours de la montée.

3 mars
Selon Le Figaro, l’équipage croyait à tort avoir enclenché le pilotage automatique. Une information aussitôt démentie par le BEA et par le chef des enquêteurs égyptiens. Chaker Qelada a souligné que les deux pilotes étaient "au courant que le pilotage automatique avait été enclenché puis coupé".

21 avril
L’enquête entre dans une nouvelle phase avec l’utilisation de simulateurs de vols "pour mieux comprendre les évolutions de l’avion et le fonctionnement des systèmes à bord", selon le BEA.

23 mai
Une délégation de l’équipe égyptienne se rend en France pour effectuer des exercices de simulation.

29 mai
Les représentants des familles des victimes du crash demandent à disposer d’une copie des paramètres du vol.

30 mai
Le président de l’association des familles des victimes françaises, Marc Chernet, indique que les hypothèses d’une dysfonctionnement de la dérive arrière et d’un attentat ont été "formellement" écartées par l’enquête. Selon lui, cela va compliquer la tâche des familles qui cherchent à assigner en justice l’avionneur américain Boeing.

26 juin
Le chef des enquêteurs égyptiens confirme qu’un troisième pilote se trouvait dans le cockpit lors de l’accident.

28 septembre
Le Figaro affirme que l’équipage du Boeing 737 n’aurait pas respecté les procédures obligatoires au moment du décollage. Selon le quotidien, "l’écoute de l’enregistreur du cockpit ne fait apparaître aucune lecture de check-list", dialogues entre commandant de bord et pilote prévus lors des différentes phases du vol dans tous les avions.
La France demande à l’Egypte les enregistrements du crash et réclame aussi la liste des victimes identifiées.
11 novembre
Les autorités égyptiennes publient enfin un "rapport factuel" attendu avec impatience. Il relate seconde par seconde les évènements survenus dans l’avion depuis son décollage. Un rapport d’analyse de ces données est attendu en juin 2005 (il sera livré beaucoup plus tard).

20 novembre
Le BEA reçoit près de 200 proches des victimes pour les informer de l’état d’avancement de l’enquête. Trois hypothèses sont formulées : Selon la première, le décollage n’aurait pas respecté les normes en vigueur et la "position angulatoire du volant" ferait apparaître une "variation comprise entre 17 et 30 degrés". La deuxième fait état d’une anomalie technique portant sur un "bec" resté ouvert devant les aimes et causant une asymétrie dans la portance, qui pourrait expliquer "l’inclinaison brusque" de l’appareil. La troisième souligne "une réaction trop tardive de l’équipage face à l’inclinaison excessive de l’appareil sur la droite".

13 décembre
L’association des familles de victimes engage une action en justice aux Etats-Unis contre trois grandes sociétés aéronautiques américaines, le constructeur Boeing, le loueur d’avions ILFC et l’équipementier Honeywell.

30 décembre
La compagnie égyptienne Flash Airlines est assignée en responsabilité pour l’audience du 8 février devant le tribunal de Bobigny, saisi par les avocats des familles des victimes.

2005

22 avril
Quelque soixante-dix victimes sur les 148 personnes disparues ont pu être identifiées.

12 août
Les avocats des familles des victimes saisissent le tribunal de Bobigny pour qu’il "reconnaisse la responsabilité de la compagnie Flash Airlines et qu’il statue sur des dédommagements".

17 octobre
Les cercueils de soixante-sept victimes françaises arrivent à Paris à bord d’un avion Air France, suite à une procédure de rapatriement engagée par un juge français. 102 victimes françaises ont été identifiées, mais certaines familles ont préféré une inhumation en Egypte sur le site du mémorial à Charm-el-Cheikh.

6 novembre
L’Egypte présente aux autorités françaises et américaines un projet de rapport final sur la chute du Boeing. Ce rapport "décharge le pilote".

23 décembre
La thèse de l’attentat est exclue, réaffirme l’ancien secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Renaud Muselier, alors qu’un collectif de familles de victimes demande que l’enquête française explore cette piste.

2006

22 mars
L’association de défense des familles de victimes (ADFVC) annonce dans La Croix qu’elle prépare un contre-rapport sur l’accident.

25 mars
Le rapport final égyptien est enfin publié. Il conclut à une panne technique, suivie d’une "désorientation spatiale" du pilote pour expliquer le crash du Boeing 737. Prenant le contre-pied de ce rapport, le chef des enquêteurs français, Paul-Louis Arslanian met uniquement en cause le pilote, affirmant que c’est sa "désorientation spatiale" qui a conduit l’avion à virer de cap et à s’abîmer en mer.

27 mars
Rapatriement de seize dépouilles, restituées aux familles avant un ultimes examen médico-légal.