DIPLOMATIE14 Juillet: l'invitation du Premier ministre cambodgien, connu pour son passé de Khmer Rouge, passe mal

14 Juillet: l'invitation du Premier ministre cambodgien, connu pour son passé de Khmer Rouge, passe mal

DIPLOMATIEHun Sen et Hor Nam Hong, son ministre des Affaires étrangères, étaient invités par l'Elysée pour le défilé de la fête nationale...
Corinne Callebaut

Corinne Callebaut

Il sera passé quasiment inaperçu. Du moins auprès des médias français. Car la communauté khmère, elle, l’a bien remarqué. Et pour cause, Hun Sen, le Premier ministre cambodgien, également connu pour son passé de Khmer Rouge et régulièrement épinglé par les organisations internationales pour les violations répétées des Droits de l’homme perpétrées par son gouvernement, était présent dans la tribune présidentielle aux côtés de Nicolas Sarkozy, sur son invitation, lors du défilé militaire du 14 Juillet.


«La France entretient d’excellentes relations avec le Cambodge. Elle a co-présidé, en 1991, les Accords de Paris qui initièrent le processus de reconstruction de ce pays et a, depuis, constamment soutenu son redressement par ses actions de coopération», peut-on lire dans le communiqué de presse du ministère des Affaires étrangères pour justifier la présence du chef de gouvernement cambodgien à l’Elysée.


Indignation des associations de victimes


Plus loin, dans le même communiqué, sont également évoqués les «entretiens politiques», qui «seront l’occasion d’échanges sur le Tribunal Khmer Rouge, juridiction que la France a constamment soutenue, tant politiquement que financièrement». Cette mention ne manque pas de faire bondir la diaspora khmère de France qui abrite le plus grand nombre d’expatriés cambodgiens parmi lesquels des centaines de victimes du régime de terreur de Pol Pot.


«En tant que présidente de l’Association des victimes du génocide des Khmers rouges, je trouve la visite de Hun Sen navrante, j’ai d’ailleurs fait part de notre indignation au président Nicolas Sarkozy dans une lettre écrite au nom de toutes les victimes, témoigne Ung Boun-Hor. Nous ne pouvons rien faire contre cela, il a été invité par le gouvernement français. En revanche, ce qui nous fait le plus de mal est que la France accueille également Monsieur Hor Nam Hong, le ministre des Affaires étrangères. Car si Hun Sen a été un khmer rouge, il n’a pas fait partie de l’Angkar, contrairement à son ministre, qui fut lui le responsable d’un centre de concentration et de tortures. Cet homme devrait figurer sur la liste des accusés au procès des Khmers Rouges. Or aujourd’hui, il serre la main du président français. Nous sommes profondément choqués».


Une lettre à Nicolas Sarkozy


De nombreuses associations ont relayé les mêmes sentiments de tristesse et d’indignation. À l’instar de «Khmer M’Chas Srok», le Mouvement de défense des droits du peuple khmer, qui souligne dans une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy «le désarroi du peuple khmer» émanant «du sentiment poignant d’être orphelin, sans bonne gouvernance, sans protection sociale, privé de toute dignité…» ou bien encore le Comité des frontières du Cambodge, qui espère, comme il le fait savoir dans un communiqué signé de son vice-président, Dy Kareth, que «les questions des Droits de l’homme et de l’état de droit au Cambodge» pourront être abordées «dans l’esprit et avec l’apport d’une contribution positive de la France…»


L’espoir de redevenir une grande nation malgré tout


Malgré son émoi et bien souvent sa peine, la communauté khmère retient également le fait que, par la présence de son Premier ministre lors d’une célébration officielle, le Cambodge retrouve une place sur la carte du monde. «Il y a au moins ça de positif, estime Ung Boun-Hor. On parle du Cambodge et le royaume recommence à avoir une représentation internationale.» Malay Phcar, fondateur du site Internet Cambodge-vision, qui a perdu trois frères et sœurs ainsi que ses deux parents sous le régime de Pol Pot trouve quant à lui qu’il est «choquant d’accueillir Hun Sen… Toutefois, il est important de préserver la forte amitié franco-khmère.»


Ainsi, si Hun Sen, l’homme fort du royaume, parvient à redorer son blason auprès de la communauté internationale, celle exilée de son pays regarde sa venue avec un regard amer, mais non dépourvu d’espoir.