«Il est urgent d’apporter des réponses à la pollution environnementale»
INTERVIEW – Le Pr Dominique Belpomme, cancérologue, revient sur la publication d’un rapport sur les causes du cancer en France…Propos recueillis par Sandrine Cochard
Le Pr Dominique Belpomme, cancérologue, réagit au rapport sur les causes du cancer en France, présenté jeudi matin à l'Académie de médecine. Pour lui, la part de la pollution environnementale est largement sous-estimée.
Le rapport, présenté jeudi matin, confirme que l'incidence du tabac et de l'alcool sur les cancers en France, mais minimise le rôle de la pollution…
Ce rapport n'apporte rien de nouveau. Nous savons effectivement que l'alcoolisme et le tabagisme sont des facteurs de risques importants. Mais je ne suis pas d'accord avec ses positions sur la pollution: affirmer qu'elle n'entre en compte que pour 0,5% des cancers est un leurre. Nous reviendrions ainsi à un taux inférieur à celui avancé en 1981 par des chercheurs américains qui soutenaient que la pollution était directement responsable de 1% des cancers diagnostiqués, et ce alors que la pollution n'a cessé d'augmenter depuis 25 ans? De très nombreuses études établissent un lien de causalité entre pollution et cancer.
Contestez-vous les résultats de ce rapport?
Ce rapport a nécessité deux ans et demi de travail et le résultat final est de bonne qualité. Je ne le conteste pas mais je déplore le fait qu’il ne se base que sur des analyses épidémiologiques et manque d'analyses toxicologiques et biomoléculaires. Il ne s'agit donc pas d'un rapport sur les causes des cancers mais sur les facteurs de risque. Le problème c'est que ce rapport est incomplet et qu'il n'explique pas l'origine de 2 cancers sur 3. Or, sous-entendre que 2 cancers sur 3 ne trouvent pas d'explications n'est pas très rassurant…
Selon vous, la réponse est donc à chercher dans la pollution environnementale ?
Oui, il est nécessaire d'en prendre conscience, et de nombreuses études toxicologiques le prouvent. Les pouvoirs publics, et en particulier les responsables du Grenelle de l’environnement, doivent absolument en tenir compte. Le cancer tue 150.000 personnes chaque année en France. Il est urgent d’apporter des réponses à la pollution environnementale pour que cessent les rejets de substances cancérigènes, qui finissent par se retrouver dans nos organismes.
Le rapport souligne l'importance du comportement individuel pour prévenir certains cancers. Vous-même avez rédigé un livre intitulé «Guérir du cancer ou s'en protéger» (Fayard, 2005). Que préconisez-vous?
L'hygiène de vie générale est un bon moyen de lutter contre le cancer, mais cela ne suffit pas. Dans mon livre, je donne quelques pistes, comme éviter d'habiter près d'une ligne à haute tension ou une station service, bien laver les fruits et légumes et manger bio aussi souvent que possible etc. Les messages sur le tabagisme et l'abus d'alcool sont toujours valables, mais malgré les campagnes de sensibilisation et la baisse du nombre de fumeurs, le nombre de cancers augmente toujours, et le dépistage n’explique pas tout. La clé réside dans la reconnaissance du rôle de la pollution chimique, physique, et biologique, et d'une action publique efficace.