Jacqueline Sauvage fera-t-elle progresser la lutte contre les violences conjugales?

Jacqueline Sauvage fera-t-elle progresser la lutte contre les violences conjugales?

La mobilisation pour Jacqueline Sauvage et sa grâce partielle ...
© 2016 AFP

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La mobilisation pour Jacqueline Sauvage et sa grâce partielle par François Hollande ont mis un coup de projecteur sur les violences conjugales, mais beaucoup reste à faire dans la reconnaissance du phénomène d'emprise et dans l'accompagnement des victimes, estiment les associations féministes.

Une pétition de plus de 400.000 signatures, des appels de personnalités... Cette mère de famille de 68 ans, condamnée en appel en décembre 2015 à 10 ans de réclusion pour avoir tué son mari violent de trois coups de fusil dans le dos en 2012, a suscité une mobilisation «assez inédite sur le terrain de la lutte contre les violences faites aux femmes», constatait lundi Claire Serre-Combe, porte-parole d'Osez le féminisme, interrogée par l'AFP.

La grâce présidentielle partielle accordée dimanche pourrait permettre à Jacqueline Sauvage de bénéficier d'une libération conditionnelle dès la mi-avril, selon ses avocates.

Mais au-delà de ce cas particulier, «il faut que la mobilisation ne reste pas lettre morte», a souhaité Mme Serre-Combe. Plus de 200.000 femmes par an seraient en effet victimes de violences conjugales.

Mais «seules environ 10% des femmes victimes déposent plainte», souligne le Collectif national pour les droits des femmes, animé par Suzy Rojtman.

Le gouvernement a lancé il y a deux ans un plan de lutte contre les violences faites aux femmes, visant notamment à encourager le dépôt de plainte. Des mesures ont également été prises dans la loi de 2014 sur l'égalité femmes/hommes, comme le renforcement des ordonnances de protection ou la généralisation des «téléphones grand danger».

Mais plusieurs associations, comme Osez le Féminisme ou la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), qui gère le numéro national d'écoute et orientation des femmes victimes de violences (le 3919), demandent de nouvelles modifications législatives.

- Places d'hébergement -

Ces associations ont été auditionnées récemment par la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, présidée par la députée Catherine Coutelle. A l'étude: un ajout dans le Code pénal du terme «féminicide», présent dans des textes de loi européens (Espagne, Italie) ou sud-américains (Chili, Pérou), pour reconnaître les meurtres sexistes.

Selon le ministère de l'Intérieur, 118 femmes sont mortes en 2014, victimes de leur conjoint ou «ex», soit une tous les trois jours en moyenne.

Alors que les avocates de Jacqueline Sauvage avaient plaidé en vain la légitime défense lors des procès, soulignant que cette femme avait subi, tout comme ses filles, des années de coups et de viols, les associations citent en exemple le Canada.

Ce pays reconnaît la présomption de légitime défense pour les femmes victimes de violences et l'emprise qu'elles subissent, souligne Mme Serre-Combe. «Les violences physiques sont accompagnées de violences psychologiques qui neutralisent toute vélléité d'action, de départ».

Sans compter l'emprise économique, pour les femmes sans ressources.

«Nous ne voulons évidemment pas que ces femmes en arrivent à commettre l'irréparable», souligne Mme Serre-Combe. «Ce que nous voulons est une vraie politique publique d'accompagnement des femmes victimes de violences, de lutte contre ces violences, et des moyens de prévention et de détection beaucoup plus massifs.»

«En France il y a eu des avancées, mais ça ne va pas assez vite», dit-elle en prenant l'exemple de l'Espagne, où un «plan massif» décliné dans une «loi-cadre votée en 2004 a porté ses fruits».

Les Effronté-E-s demandent également «la création de places d'hébergement dans des structures spécialisées en nombre suffisant».

La secrétaire d'État aux Droits des femmes Pascale Boistard estime que les «deux tiers» des 1.600 nouveaux logements d'urgence promis sur la durée du quinquennat ont été réalisés.

«Il n'est pas normal qu'on ne parle de la lutte contre les violences faites aux femmes que le 25 novembre (ndlr: journée internationale de sensibilisation à ce phénomène) et quand il y a des cas emblématiques comme celui de Jacqueline Sauvage», résume Claire Serre-Combe. «Le reste de l'année, c'est l'omerta!»

Seule note discordante dans le concert de félicitations, l'Union syndicale des magistrats (USM) s'est «étonnée» de cette grâce et s'est s'interrogée sur «l'influence des groupes de pression».

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