Suspendre l'état d'urgence? Le Conseil d'Etat se saisit d'un dossier brûlant

Suspendre l'état d'urgence? Le Conseil d'Etat se saisit d'un dossier brûlant

Faut-il suspendre tout ou partie de l'état d'urgence? Le Conseil d'État se penche mardi sur une requête de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), au moment où la future prolongation de ce régime d'exception préoccupe jusqu'au Conseil de l'Europe.
© 2016 AFP

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Faut-il suspendre tout ou partie de l'état d'urgence? Le Conseil d'État se penche mardi sur une requête de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), au moment où la future prolongation de ce régime d'exception préoccupe jusqu'au Conseil de l'Europe.

«La question de l'état d'urgence est devenue politique. Notre but est d'en refaire un enjeu juridique sur l'équilibre des libertés», a expliqué à l'AFP Patrice Spinosi, avocat de la LDH, dont la requête a reçu le soutien de la CGT police, du Syndicat de la magistrature et de 450 universitaires.

L'exécutif, qui veut inscrire l'état d'urgence dans la Constitution, a récemment annoncé que ce régime, instauré dans la foulée des attentats jihadistes du 13 novembre à Paris et qui devait normalement expirer le 26 février, serait prolongé une nouvelle fois pour une période de trois mois.

Or, le secrétaire général du Conseil de l'Europe, organisation intergouvernementale de défense des droits de l'Homme, a fait part lundi au président François Hollande de sa «préoccupation» face à cette prolongation.

Et un collectif d'associations et de syndicats, baptisé «Nous ne cèderons pas!», a appelé à manifester samedi à Paris contre cette perspective, craignant que l'état d'urgence ne devienne «un état permanent».

L'état d'urgence renforce les pouvoirs de la police en permettant notamment les assignations à résidence, les perquisitions administratives de jour comme de nuit ou l'interdiction de rassemblement, le tout sans le contrôle d'un juge judiciaire.

Au 12 janvier, 3.021 perquisitions administratives et 381 assignations à résidence avaient été dénombrées dans ce cadre par les autorités.

Le débat enfle en France sur l'équilibre entre mesures sécuritaires et contrôle judiciaire. La garde des Sceaux Christiane Taubira elle-même a estimé lundi qu'il y «avait lieu de s'interroger» sur la place du juge judiciaire dans le contrôle des mesures prises en riposte aux attentats et a qualifié de «pertinent» ce débat.

Pour la LDH, rien ne justifie aujourd'hui le maintien de l'état d'urgence.

L'association s'appuie notamment sur les conclusions d'une communication d'étape de la commission des lois de l'Assemblée nationale qui contrôle l'application de l'état d'urgence.

Citant le président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, la LDH affirme que «les principales cibles et objectifs» ont été traités, que «l'effet de surprise s'est largement estompé» et que «l'extinction progressive de l'intérêt des mesures de police administratives (...) montre bien plus qu'un essoufflement».

- «Menace diffuse et permanente» -

Si la LDH dit ne pas ignorer «combien la menace terroriste reste forte», elle rappelle que la loi sur l'état d'urgence justifie la mise en oeuvre de mesures d'exception par l'existence d'un «péril imminent» résultant «d'atteintes graves à l'ordre public» et non «à l'aune d'une menace diffuse et permanente, aussi grave soit-elle».

Elle demande en conséquence au juge administratif de «suspendre tout ou partie de ce régime» et à défaut «d'enjoindre le président de la République de procéder à un réexamen des circonstances de fait et de droit» qui ont conduit à sa mise en oeuvre.

Le Conseil d'Etat a déjà signalé sa vigilance. La plus haute juridiction administrative a suspendu vendredi pour la première fois une assignation à résidence, dans des termes sévères pour le ministère de l'Intérieur.

«Notre but n'est pas de désarmer l'État mais de revenir au droit commun en remettant le juge judiciaire, gardien des libertés, au coeur du processus», a insisté Me Spinosi.

Cela n'empêche pas l'exécutif de mettre la dernière main à un arsenal de textes qui doivent au contraire installer l'état d'urgence, ou du moins certaines de ses mesures, dans la durée.

Dès mercredi, Manuel Valls présentera à l'Assemblée nationale les «avant-projets d'application de la révision constitutionnelle».

L'exécutif veut inscrire dans la Constitution à la fois la très controversée déchéance de nationalité et l'état d'urgence. Ce dernier repose jusqu'ici sur une loi, datant de 1955 et durcie après les attentats de novembre, qui ont fait 130 morts.

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