Fresnes: les détenus identifiés comme islamistes radicaux regroupés
Une quinzaine de détenus de la prison de Fresnes, identifiés comme islamistes radicaux, ont été regroupés dans une même partie de l'établissement, une première qui pourrait avoir valeur de test pour l'administration pénitentiaire.© 2014 AFP
Une quinzaine de détenus de la prison de Fresnes, identifiés comme islamistes radicaux, ont été regroupés dans une même partie de l'établissement, une première qui pourrait avoir valeur de test pour l'administration pénitentiaire.
L'objectif de ce regroupement est d'empêcher ces détenus «de pouvoir recruter au sein de la population» pénitentiaire, a-t-on expliqué jeudi à l'AFP de source pénitentiaire.
Concrètement, ils ont été placés à un étage où étaient affectés jusqu'ici des détenus policiers, douaniers ou journalistes, dont le profil ne permettait pas le mélange avec le reste de la population carcérale, selon une autre source pénitentiaire.
Ils ne pourront ainsi plus «toucher les personnes plus faibles, qui seraient susceptibles d'être radicalisées», a précisé la première source.
Interrogée par l'AFP, le porte-parole de la Chancellerie a déclaré que la radicalisation en prison était un «sujet sensible»: «le ministère est en train de réfléchir sur les moyens d'anticiper» cette radicalisation en détention.
Dans ce cadre, l'initiative locale du directeur du centre pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne), dont la garde des Sceaux Christiane Taubira avait été informée, «alimentera» cette réflexion, afin de déterminer la meilleure prise en charge possible de ces détenus, a-t-il poursuivi.
La ministre de la Justice a déjà mis en place des mesures, notamment pour renforcer le renseignement pénitentiaire. Elle a également créé 15 postes d'aumôniers musulmans en 2013 et 15 autres en 2014, pour renforcer l'encadrement de la pratique religieuse en détention.
Interrogée à l'Assemblée nationale le 29 octobre, Mme Taubira avait dit que sur les 200 personnes, prévenues ou condamnées, suivies pour terrorisme par le renseignement pénitentiaire en détention, 134 présentaient un profil de «radicalisation violente».
C'est en réaction à ce regroupement que douze détenus de Fresnes, considérés comme radicaux, ont refusé le 7 novembre de réintégrer leur cellule après une promenade, a appris l'AFP de sources concordantes.
- 'Zones de non-droit' -
Huit sont finalement remontés, mais quatre se sont obstinés avant d'être finalement placés au quartier disciplinaire. L'un d'entre eux s'en était même pris à des surveillants, blessant légèrement deux d'entre eux. Il a récidivé dimanche et blessé légèrement quatre surveillants.
«On s'attendait à une réaction», commente une source pénitentiaire, rappelant que Fresnes a la réputation d'être un établissement aux règles de fonctionnement plus strictes que la moyenne.
Selon une autre source pénitentiaire, douze détenus ont de nouveau refusé de réintégrer leur cellule mardi à l'issue de la promenade, cette fois-ci par solidarité avec leur codétenu qui avait agressé des surveillants dimanche.
«Cela ne fait que créer un noyau dur et leur donner de l'importance», a estimé, au sujet du regroupement, Yoan Karar, secrétaire local du syndicat SNP-FO. «Ils mettent des choses en place de façon forcée, sans concertation», a-t-il regretté, soulignant qu'aucun moyen supplémentaire n'avait été alloué au soutien de ce regroupement.
«Derrière, ça peut créer des mouvements de masse», s'inquiète Christopher Dorangeville, secrétaire régional CGT pénitentiaire.
Parmi les personnes condamnées pour des faits de terrorisme, les détenus corses sont parfois placés dans la même aile d'un établissement, selon des sources concordantes. C'est également le cas des détenus basques militants d'ETA.
«Ce sont des gens qui ont parfois commis des attentats mais, derrière, il n'y a pas de prosélytisme» ou de tentative de «gangréner une partie de la population pénale», observe Emmanuel Gauthrin, secrétaire général de SNP-FO.
Dans leur cas, estime-t-il, le rassemblement «ne pose pas du tout de problème».
En revanche, dans le cas des détenus islamistes radicalisés, Ahmed El Houmass, secrétaire local CGT pénitentiaire, craint que ne se créent des «zones de non-droit» dans les prisons. Et pour des détenus qui ne seront pas retenus, «ça va devenir un jeu», avec l'objectif d'intégrer ce groupe, prévoit-il. «Ils vont appeler ça l'unité d'élite», redoute-t-il.