Les opposants à la loi antiterroriste dénoncent des atteintes aux libertés

Les opposants à la loi antiterroriste dénoncent des atteintes aux libertés

Le projet de loi antiterroriste porte-t-il une atteinte disproportionnée ...
© 2014 AFP

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Le projet de loi antiterroriste porte-t-il une atteinte disproportionnée aux libertés publiques? Oui, répondent des opposants, qui dénoncent une érosion des libertés d'information et de circulation et un recul de la protection offerte aux citoyens par la justice.

«Aujourd'hui comme hier, ce projet de loi antiterroriste est placé sous le sceau de l'urgence (procédure législative accélérée) et réduit à la portion congrue le débat démocratique par l'invocation de la menace terroriste», estime le Syndicat de la Magistrature (SM, gauche), pour qui le texte présente «un déséquilibre flagrant» entre l'impératif de protection des citoyens et la nécessité de «préserver la démocratie et les libertés».

«A l'inverse des engagements du candidat Hollande, on refait aujourd'hui des lois de circonstance pour répondre à l'émotion suscitée par des évènements dramatiques, comme sous Sarkozy», abonde Serge Tubiana, président honoraire de la Ligue des droits de l'Homme.

Pour Reporters sans frontières, le texte fait planer une menace sur «la liberté d'information».

Les opposants critiquent notamment le transfert à l'administration de pouvoirs judiciaires, ouvrant selon eux la porte à l'arbitraire en supprimant les garanties de la procédure contradictoire, même si des recours devant la justice sont prévus, a posteriori.

Le projet de loi instaure un nouveau délit «d'entreprise terroriste individuelle», prévoit «une interdiction de sortie du territoire» pour des ressortissant français soupçonnés de vouloir se rendre à l'étranger pour participer à des activités terroristes et renforce la lutte contre la provocation et l'apologie du terrorisme sur internet par le retrait d'un contenu, voire le blocage d'un site.

Pour le SM, la création de «l'entreprise individuelle» à visée terroriste revient à «confier aux magistrats une mission de neutralisation préventive».

Mais, «pénaliser des intentions exprimées dans la solitude sans attendre un commencement d'exécution est une évolution dangereuse. Une personne peut très bien revenir en arrière, ne pas aller au bout», fait valoir Laurence Blisson, secrétaire nationale du syndicat. «C'est plus contestable encore que l'association de malfaiteurs (délit créé en 1996) qui permet au moins de se baser sur des échanges pour mesurer la maturation d'une intention criminelle».

«Faute de preuves, de passage à l'acte, il est a craindre que les enquêteurs se focalisent sur une appartenance religieuse, une origine ou de simples paroles», redoute Martin Pradel, avocat de dossiers terroristes.

- «Procédure en trompe l'oeil» -

Mêmes réserves sur l'interdiction de sortie du territoire. «Cette procédure confie à l'autorité administrative de nouvelles prérogatives lui permettant d'étendre son contrôle sur les citoyens à l'issue d'une procédure en trompe l'oeil», juge le SM.

«L'atteinte aux libertés est exorbitante», estime Laurence Blisson, qui craint «une application extensive et préventive» à partir de preuves basées sur «des dossiers classés secret défense ou des écoutes administratives».

«Les vrais clients de cette interdiction seront tous ceux contre lesquels on n'aura pas d'éléments suffisamment probants pour engager des poursuites judiciaires. C'est une restriction arbitraire de la liberté d'aller et venir», dénonce Me Pradel.

Les dispositions contre l'apologie du terrorisme sont également montrées du doigt.

«L'intervention possible d'une personnalité nommée par la Commission informatique et liberté (CNIL) ne suffit pas à rendre légitime cette procédure qui confie à l'autorité administrative le pouvoir de déterminer ce qui relève du terrorisme et ce qui reste de la contestation de l'ordre social, politique ou économique», estime le SM.

«Ce texte, en l'état, pourrait engendrer un recul de la liberté d'information puisqu'il diminue la protection juridique des journalistes, prévoit un blocage administratif des sites et augmente les mesures de surveillance, sans garantie pour la protection des sources», ajoute RSF.

L'association regrette que la question de «l'apologie» du terrorisme, qui implique la condamnation d'une opinion et non d'actes, sorte du champ protecteur de la loi sur la presse de juillet 1881.

«Des journalistes pourraient-ils demain être poursuivis pour avoir partagé une vidéo ou donné la parole à des membres de réseaux terroristes?», interroge RSF, qui rappelle qu'en 2010 le parti socialiste s'était opposé à un blocage administratif des sites (loi sur la sécurité intérieure Loppsi2) «qu'ils jugeaient alors liberticide».

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