Obsèques de Me Antoine Sollacaro, l'enquête sur la piste du grand banditisme
L'avocat Antoine Sollacaro est inhumé vendredi après-midi dans ...© 2012 AFP
L'avocat Antoine Sollacaro est inhumé vendredi après-midi dans son village natal de Propriano (Corse-du-Sud), tandis que les enquêteurs poursuivent leur travail de fourmi pour retrouver les auteurs de son assassinat, qui a conduit le gouvernement à s'emparer du dossier du crime organisé dans l'île.
Confrères insulaires de Me Sollacaro, mais aussi des barreaux de Marseille, Paris et Nice notamment, magistrats, élus de tous bords, amis, proches... Une assistance considérable était attendue dans l'église Notre-Dame de la Miséricorde qui surplombe le port de Propriano, pour rendre un dernier hommage à l'un des avocats les plus connus de l'île.
Depuis mardi, cette station balnéaire de quelque 3.000 âmes, où Me Sollacaro vit le jour le 30 janvier 1949 et où il a toujours conservé un cabinet secondaire, est en deuil, la plupart des commerces devant fermer leur porte.
Un éloge funèbre devait être prononcé durant l'office religieux par le bâtonnier d'Ajaccio, Me Marc Maroselli.
Dans la matinée, le barreau de Marseille, qui compte de nombreux avocats corses, a observé une minute de silence à la mémoire de Me Sollacaro, tué de neuf balles mardi à Ajaccio, à 63 ans.
A Ajaccio, les enquêteurs de la police judiciaire, renforcés d'une dizaine de fonctionnaires de la direction centrale, poursuivaient leurs investigations sur ce 15e assassinat depuis janvier en Corse.
Ils étudient tous les indices qui permettraient de retrouver la trace du commando de deux tueurs en moto qui a exécuté l'ancien bâtonnier d'Ajaccio dans une station-service proche du centre-ville, où il s'arrêtait chaque matin acheter le journal. Ils ont retrouvé le propriétaire d'une moto du type de celle utilisée par le commando, une BMW GS 1200, déclarée volée récemment à Ajaccio.
L'enquête pourrait s'orienter vers la piste du grand banditisme, notamment au regard du mode opératoire portant la signature de tueurs très expérimentés, a-t-on indiqué de source judiciaire.
La Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs, chargée de la lutte contre le crime organisé) de Marseille, saisie de l'affaire, a ouvert une information judiciaire vendredi.
Les enquêteurs, qui se sont rendus avec le bâtonnier Maroselli au cabinet et au domicile de Me Sollacaro, examinent aussi certains dossiers sur lesquels travaillait la victime, instruits notamment à la Jirs.
Valls appelle à la "rébellion"
L'assassinat de Me Sollacaro, moins de deux heures après celui, en Haute-Corse, d'un ancien militant nationaliste reconverti dans l'immobilier, a provoqué dans l'île une onde de choc qui s'est propagée jusqu'à Paris.
Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, attendu à Ajaccio début novembre, a exhorté jeudi les Corses à "se rebeller" contre ces assassinats "qui durent depuis trop longtemps" et contre "les mafias" et "le crime organisé qui gangrène la Corse, qui mérite mieux".
Dès mercredi, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé l'élaboration d'une "directive de politique pénale spécifique" à la Corse, du type de celle adoptée récemment pour lutter contre le crime à Marseille.
Alors qu'avec seulement 310.000 habitants, la Corse détient le record de France du nombre de policiers et gendarmes par tête, il s'agirait de mieux coordonner les moyens de lutte contre le grand banditisme y compris, selon M. Ayrault, dans ses "aspects fiscaux".
Il réunira, la semaine prochaine, M. Valls et les ministres de la Justice, Christiane Taubira, de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici, et du Budget, Jérôme Cahuzac, pour mettre au point ce dispositif.
Avocat général à la cour d'appel de Bastia, Francis Battut a déploré vendredi la faiblesse des moyens du pôle économique et financier régional chargé de lutter contre la délinquance financière et le blanchiment d'argent.
"Beaucoup d'assassinats en Corse sont liés à des affaires financières et je constate que les affaires n'avancent pas beaucoup", a déclaré M. Battut à France Bleu Radio Corse Frequenza Mora. Il avait dirigé ce pôle de 1999 à 2004, le premier créé en France après l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998.