Résultat présidentielle: Derrière la défaite électorale, les victoires du Front national
ELECTION•La candidate FN Marine Le Pen a perdu la présidentielle, mais engrange un nouveau succès pour sa formation politique…Anne-Laëtitia Béraud
L'essentiel
- La candidate FN Marine Le Pen a perdu la présidentielle dimanche, battue par Emmanuel Macron
- Cette défaite électorale est à nuancer, car la dirigeante FN obtient un score inégalé pour sa formation politique
- Selon plusieurs chercheurs interrogés par 20 Minutes, le Front national peut très probablement obtenir plus de 15 députés à l’Assemblée nationale à l’issue des législatives de juin 2017
Marine Le Pen a perdu. La dirigeante du Front national ne sera donc pas la prochaine présidente de la République, battue par Emmanuel Macron à l’élection présidentielle. Le candidat d’En Marche ! a recueilli 66,1 % des suffrages (20,8 millions de suffrages), contre 33,9 % pour la dirigeante du FN (10,6 millions), selon le ministère de l’Intérieur. Si des membres du Front national ont fait part de leur déception dimanche soir, la formation politique a plusieurs raisons de réjouir grâce à ce score…
>> Retrouvez tous les résultats du second tour de l’élection présidentielle ville par ville
Une victoire numérique et symbolique
« La défaite de Marine Le Pen est à nuancer », explique Gilles Ivaldi, chercheur au CNRS Urmis université de Nice-Sophia Antipolis. « C’est une défaite relative, car elle est en progression par rapport au premier tour. Et surtout, elle dépasse très largement le score de son père Jean-Marie Le Pen en 2002 [face à Jacques Chirac]. C’est un symbole, une barre qui tombe », souligne ce spécialiste des populismes et des extrêmes droites en Europe.
Marine Le Pen a recueilli 7,6 millions de suffrages au premier tour de cette présidentielle, puis 10,6 millions au second. Un gain de trois millions de voix, beaucoup plus important que ce qu’avait fait son père Jean-Marie Le Pen en 2002 face à Jacques Chirac. Le président du FN avait alors totalisé4, 8 millions de voix au premier tour, contre 5,5 millions au second, soit un gain de 700.000 voix. Ce gain de trois millions de voix représente, pour Marine Le Pen, un succès dans sa stratégie d’élargissement de sa base électorale, malgré un entre-deux-tours jugé globalement mauvais.
Le Front national bat ainsi son record de voix toutes élections confondues. Le précédent record remontait aux élections régionales de décembre 2015, où il avait totalisé 6,8 millions de suffrages. « Cette progression entre les deux tours est inédite pour le FN. Elle signe une forme de banalisation du parti mais aussi le fait que le front républicain a du plomb dans l’aile », remarque le politologue Eddy Fougier, chercheur associé à l’IRIS. « L’un des succès du Front national reste l’influence acquise sur certains thèmes, notamment l’identité, la sécurité, l’immigration et l’islam. Si ceux-ci n’ont pas été déterminants dans ces élections, le parti réussit néanmoins à donner le "la" sur ces dossiers », continue-t-il. Cette tentative de préemption pourrait s’accompagner de nouveaux succès électoraux… notamment avec les législatives de juin.
Des législatives qui peuvent signer le retour d’un groupe FN à l’Assemblée
Dans son discours de défaite ce dimanche, Marine Le Pen a en effet assuré être « à la tête du combat » pour les législatives des 11 et 18 juin, promettant une « transformation profonde » du FN pour être « la principale force d’opposition ». Selon Gilles Ivaldi (CNRS) et Thomas Vitiello (Cevipof), la création d’un groupe FN à l’Assemblée – soit 15 sièges – paraît « probable ». « La constitution d’un groupe FN à l’Assemblée nationale est probable pour deux raisons : le FN s’est implanté et consolidé dans les territoires depuis plusieurs élections intermédiaires. Il est fort dans plus de 200 circonscriptions, comme dans le Vaucluse ou le Var. Le deuxième facteur tient à la fragmentation actuelle des partis politiques qui peut servir le FN. Aux dernières régionales, le FN a gagné plus souvent ses triangulaires plutôt que ses duels », détaille le chercheur Gilles Ivaldi.
Au second tour de la présidentielle, Marine Le Pen est arrivée en tête adans 45 circonscriptions et a obtenu plus de 45 % dans 66 autres, selon un décompte de l’AFP à partir des résultats publiés par le ministère de l’Intérieur. En projetant ces résultats, Eddy Fougier estime qu’une petite cinquantaine de députés FN pourrait être élus à l’issue des législatives.
« Le FN bénéficie de la fragmentation des partis traditionnels. Mais sa stratégie d’alliance peut être à double tranchant, car le parti peut y perdre des sympathisants en abandonnant son côté protestataire pour devenir un parti plus classique et conservateur », continue le chercheur. Il s’appuie ainsi sur l’exemple du parti fasciste italien MSI, qui en 1995 et sous l’impulsion de Gianfranco Fini, s’est refondé en «Alliance nationale », une formation plus classique et modérée. Ses résultats électoraux se sont rapidement effrités et le mouvement a été dissous en 2009.
>> Que retirez-vous du score de Marine Le Pen à la présidentielle ? Pensez-vous que le FN peut bénéficier de la dynamique électorale de sa dirigeante pour les législatives ? Dites-nous votre avis dans les commentaires en ayant soin de respecter notre charte…