Présidentielle: Quand Marine Le Pen va-t-elle enfin commencer sa campagne?
POLITIQUE•La candidate du FN mène une drôle de campagne depuis quelques mois...T.L.G. et J.L.
Une impression de non-campagne. Depuis quelques jours, les instituts de sondage décrivent une stagnation ou une baisse des intentions de vote pour Marine Le Pen. De manière plus générale, la candidate du Front national mène une drôle de campagne. Mis à part la polémique sur le Vél' d'Hiv', la présidente du FN peine à imposer sa marque, et paraît même parfois ne pas vouloir l’imposer.
« Sur le terrain il n’y a pas de trou d’air. Ni sur les réseaux sociaux. Nos équipes sont hyperdynamiques et on fait du monde partout », répond l’intéressée à L’Opinion. Reste cet étrange sentiment que la campagne de Marine Le Pen n’a pas encore commencé. Après s’être creusé la tête, on a trouvé trois raisons qui pourraient expliquer ce faux départ.
1. Elle est favorite depuis des mois au premier tour
Ca ne vous aura pas échappé, Marine Le Pen est en tête dans les sondages depuis quelques mois maintenant. Cette stratégie d’en faire le moins possible pourrait donc s’expliquer par la certitude d’être présente au second tour.
« Même si elle fera probablement un score très important, sa campagne me fait penser à Lionel Jospin en 2002. Celle d’un favori qui ne prend aucun risque et prépare le second tour avant le premier », assure Nicolas Lebourg, spécialiste du FN. « Marine Le Pen a une obsession des sondages. C’est à rapprocher de son attitude lors de la Manif pour Tous. Elle préfère ne pas bouger pour éviter un écroulement dans l’opinion. Elle sectorise ses propositions selon son électorat, mais tout cela manque de souffle, ce que Jean-Marie Le Pen a d’ailleurs relevé en creux cette semaine dans le journal Minute », poursuit l’historien.
2. D’autres candidats imposent leurs thématiques
Les affaires ne l’ont pas aidée, mais Marine Le Pen a aussi peiné à imposer ses thèmes de prédilection. « Au grand jeu du chamboule-tout des primaires, elle a perdu beaucoup avec les défaites de Valls et Sarkozy qui venaient la chercher sur le terrain de l’Islam. Aujourd’hui, elle se retrouve obligée de parler d’économie, un sujet qu’elle maîtrise moins et qui fait encore peur », relève Nicolas Lebourg.
Cette difficulté pour marquer l’opinion est peut-être une des conséquences de la stratégie d’une « France apaisée », choisie par la candidate. « Elle a tenté de gommer les aspérités pour montrer une image plus douce. Cette stratégie accompagnée de la rose bleue en a étonné plus d’un au FN car elle abandonnait le mordant qui la caractérise », analyse Paul-Marie Coûteaux, son ancien conseiller, désormais soutien de François Fillon. « Je pense qu’elle se trompe. Ce ton modéré arrive à contretemps avec la situation de crise et de violence que connaît la France. Moi j’aurais fait l’inverse, j’aurais dramatisé ».
En « désertant » le terrain, Marine Le Pen a aussi laissé du champ libre aux « petits » candidats, François Asselineau pour la sortie de l’UE et de l’euro, ou Nicolas Dupont-Aignan sur l’immigration par exemple. « Le débat à 11 a été terrible pour elle. Elle a semblé incapable de réagir face à la radicalité de certains petits candidats qui paraissaient davantage anti-système qu’elle », rappelle Nicolas Lebourg.
3. Elle garde tout pour le second tour
Après l’annulation d’une matinale sur France Inter mercredi, son directeur de campagne David Rachline avait avancé cet argument auprès du Lab : « Elle devait rester à Paris pour vérifier des documents pour l’entre-deux tours de la présidentielle ». Derrière l’anecdote, une hypothèse : Et si Marine Le Pen en gardait sous le pied pour ne lancer sa campagne qu’au soir du premier tour ? Il y a quelques jours, Robert Ménard nous assurait que la candidate serait obligée de bouger dans l’entre-deux tours, notamment sur l’euro.
« Sur les questions de société, d’autorité, d’école, de famille, etc. Il y a un consensus avec l’électorat de droite. C’est moins le cas sur l’Europe et l’euro », admettait le maire de Béziers. « Dans l’entre-deux tours, Marine Le Pen fera un pas sur ces questions, sinon elle ne pourra pas gagner. D’ailleurs, il y a déjà eu des inflexions. Le FN est plus prudent, la sémantique a changé ».