La campagne Fillon favorise-t-elle l'«union des droites», le vieux «rêve de Patrick Buisson»?
POLITIQUE•D'après Emmanuel Macron, la campagne de Fillon devrait entraîner «une recomposition entre une partie de la droite et l’extrême droite»...T.L.G.
Vers une nouvelle démonstration de force ? François Fillon tiendra un grand meeting parisien dimanche. Le dernier organisé dans la capitale avait sauvé la peau du candidat, mais il avait profondément divisé une partie de la droite. « Je suis surtout très préoccupé par ce rassemblement initialement organisé pour dresser le peuple contre la justice et la presse. Ça, c’est le propre de l’extrême droite, pas de la droite républicaine », jugeait alors Jean-Louis Debré.
Depuis janvier, l’ancien Premier ministre est régulièrement accusé d’avoir radicalisé son discours, et rapproché le noyau dur, qui le soutient contre vents et marées, des électeurs du Front national. Dans un entretien au Monde lundi, Emmanuel Macron en remet une couche, en estimant que « François Fillon est en train de réaliser le rêve de Patrick Buisson de la convergence entre l’extrême droite et une partie de la droite dite républicaine ».
Le leader d’En Marche estime que la campagne menée par le candidat LR entraînera « une recomposition entre une partie de la droite et l’extrême droite, que François Fillon le veuille ou non ». Qu’en est-il réellement ?
« Une partie des électeurs FN et LR défendent à 90 % les mêmes idées »
« L’union des droites », n’est pas une idée neuve. « Ce terme correspond à une aspiration des libéraux depuis la fin du 19e siècle, qui n’a d’ailleurs jamais réussi. Mais le rêve de Patrick Buisson est différent puisqu’il s’agit de regrouper toute la famille nationaliste dans une grande force politique dominante », avance Gilles Richard, historien et professeur des universités à Rennes 2.
Patrick Buisson, mais aussi Philippe de Villiers, Eric Zemmour, ou Robert Ménard, pour ne citer qu’eux, militent depuis plusieurs années pour une recomposition du paysage politique à droite. Le maire de Béziers précise à 20 Minutes :
« Je pense qu’une grande partie des électeurs LR, une bonne partie du FN, et tous ceux qui sont au milieu, les proches de De Villiers, du Cnip, de Nicolas Dupont-Aignan, et de Jean-Frédéric Poisson, défendent à 90 % les mêmes idées. A travers ce concept de l’union des droites, j’aspire donc à la création d’un grand parti conservateur ».
Ces derniers mois, l’ancien président de RSF a oeuvré pour un tel rapprochement, mais il s’est confronté à la réalité politique. En mai dernier, l’union des droites tourne même au vinaigre lorsque Marion Maréchal-Le Pen claque la porte du « Rendez-Vous de Béziers », le trouvant trop hostile au FN. En octobre, Jean-Frédéric Poisson, mis sous pression par Les Républicains, annule un meeting commun avec le maire de Béziers. A ces difficultés, s’ajoute l’impossibilité d’une alliance électorale, rejetée tant par les dirigeants LR et UDI que par ceux du Front National.
« Une union pas réaliste »
En septembre dernier, le collectif « Voscouleurs », fondé par d’anciens militants de la Manif pour tous, lance une pétition « pour réaliser l’union des droites, désigner leur candidat unique et définir le programme commun qui redressera la France dès 2017 ».
L’initiative est un échec, reconnaît aujourd’hui Joseph Pons, responsable presse du collectif. « Malgré nos 10.000 signatures, on s’est rendu compte qu’il était un peu tôt. Pour cette élection, les candidats ne sont pas assez mûrs. L’union des droites n’est pas d’actualité. François Fillon, que l’on a connu plus conservateur sur certains points lors de la primaire, s’attache aujourd’hui surtout à garder l’union du parti Les Républicains ».
Une union « pas réaliste », avait d’ailleurs jugé Henri Guaino, interrogé sur le mouvement, il y a quelques mois. « L’histoire de la droite est l’histoire de plusieurs familles politiques qui ont du mal à s’entendre, voire se détestent… Monsieur Ménard a essayé avec une partie de la droite, et vous avez vu le résultat ? C’est le même depuis 200 ans. Les gens se sont écharpés », avait répondu le député.
« Le rapprochement se fera à chaud après les élections »
« Ce que tente de faire François Fillon ne peut pas fonctionner, car comme Nicolas Sarkozy, il tente d’associer à son programme néolibéral un versant identitaire. Mais cette synthèse est impossible », abonde Gilles Richard, auteur de l’Histoire des droites en France (Perrin). « Plus François Fillon avance dans cette campagne, plus il creuse la faille qui coupe Les Républicains en deux », note-t-il toutefois.
En janvier dernier, Marine Le Pen elle-même enterrait toute possibilité de rapprochement dans une interview à Causeur. « Je pense que l’union des droites est un fantasme réducteur ! J’ai 48 ans et ça fait quarante ans que j’en entends parler. Le problème des gens qui défendent cette idée, c’est que la droite refuse de s’allier avec nous ».
Qu'importe le refus des partis concernés, ou la question de l'Euro, qui divise toujours les deux électorats, Robert Ménard reste convaincu que l’union est l’affaire de quelques semaines. «La base frontiste est moins hostile à l'Euro que certains dirigeants. Marine Le Pen a d'ailleurs déjà consenti à quelques inflexions, dans la sémantique. Mais le rapprochement ne doit pas être fait par les appareils. Je le vois plus comme un Podemos de droite», réplique l’élu de Béziers. «Il se fera à chaud dans la foulée des élections, et regroupera ceux qui, à froid, n’auront jamais pensé s’asseoir côte à côte. Et ce quel que soit le résultat en mai prochain ». A droite, la question pourrait d'ailleurs se poser dès le soir du premier tour, en cas d'élimination de François Fillon.