Présidentielle: François Hollande, un président «normal»
PORTRAIT•Le nouveau président de la République a promis de la «cohérence» pour mettre fin aux «zigzags» de Nicolas Sarkozy...Maud Pierron
François Hollande président. Il y a trois ans, lui seul pouvait imaginer pareille issue, alors qu’il vient de quitter la tête du PS après onze années usantes, sous les lazzis de ses camarades. Le député de Corrèze est alors très seul, entouré d’une poignée de fidèles. Dans l’opinion, il n’est que l’ex mal fagoté de Ségolène Royal.
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C’est sa traversée du désert, indispensable, dit-on, pour se forger un profil de présidentiable. Essentiel, dit-il aujourd’hui pour se remettre en cause, travailler sur lui, gommer ses défauts. C’est isolé qu’il forge l’ambition d’atteindre ce qu’il avait effleuré en 2007: l’Elysée. Aidé de sa nouvelle compagne, Valérie Trierweiler, il s’astreint à un régime, change ses costumes et ses lunettes. Il se met à travailler, penser par et surtout pour lui-même. Il avale des notes, définit la jeunesse comme le thème de sa campagne, apte à fédérer tous les Français qu’il veut, répète-t-il toujours, «rassembler». Et s’il est oublié par ses camarades Paris, il se régénère en Corrèze.
François le Corrézien
Cette Corrèze dont il dit, à 57 ans qu’il y a ses «racines» alors qu’il est natif de Rouen. Cette Corrèze où il a débarqué en 1981, jeune conseiller de François Mitterrand, en Chiraquie triomphante. Cette Corrèze qui l’a adopté, lui le pudique, l’a fait député et maire de Tulle puis président du Conseil général et dont il se sent tant redevable. Comme Jacques Chirac, il adore le contact avec les Français. Comme lui en 1995, il a mené une campagne de proximité, sillonnant la France dans ses moindres recoins pendant un an, serrant des mains et distribuant des bises comme il le fait sur le marché de Tulle le samedi matin et où on l’appelle déjà «Monsieur le président».
Mais Hollande en serait-il là sans le «coup de tonnerre» du Sofitel, où DSK, l’archi-favori des sondages a sombré? Lui jure qu’au final il aurait emporté les primaires contre l’ex-patron du FMI, qui connaissait si peu les Français. Son slogan de «candidat normal» visait autant Nicolas Sarkozy que DSK.
L’hypothèse Strauss-Kahn balayée, c’est lui et non Martine Aubry qui récupère le costume de favori face à Sarkozy, pour ne plus jamais le lâcher. Ses traits d’humour disparaissent avec ses rondeurs au fur est à mesure des primaires pour construire l’image d’un candidat «pouvant être le futur président» comme il se décrivait pendant la campagne. L’expérience de 2007 en tête, il s’attache à réunir le parti après les primaires. Fait de la place à ses adversaires d’hier. «Je n’ai pas de mémoire, je n’ai pas de rancune», répète-t-il souvent. Et il le leur doit bien, lui qui s’amuse à rappeler que si ses camarades l’avaient écouté, il ne serait sûrement pas là, puisqu’il était contre les primaires et le calendrier choisi.
Mitterrand en exemple
Au Bourget, il assoit son autorité sur le parti et éteint les «chuchotements» de certains socialistes dubitatifs. Une fois ses 60 engagements présentés, il n’en dévie pas. Crise oblige mais aussi au nom de sa «cohérence» qu’il veut opposer aux «zigzags» du «candidat-sortant» comme il nomme Nicolas Sarkozy. La même expression dont usait François Mitterrand pour VGE en 1981. Pas la première des similitudes travaillées et revendiquées par François Hollande avec l’ancien président socialiste. Même manière de s’exprimer, même façon de s’appuyer sur le pupitre, même charge contre la finance.
Il avance avec une prudence de sioux. Seule exception: la taxation à 75 % des plus riches. Réduire les risques, c’est son antienne alors que l’antisarkozysme porte sa campagne. Il assume même si l’enthousiasme des foules n’est pas toujours au rendez-vous. L’essentiel est de travailler sa stature présidentielle, de casser cette image de «mou» qui le poursuit. Ce qu’il démontre lors du débat d’entre-deux-tours, où il tient tête à un Nicolas Sarkozy parfois attentiste. C’est que le chef de l’Etat a toujours sous-estimé François Hollande. Pourtant, le socialiste résiste à son entrée en campagne et, malgré des moments de flottement où il craint de perdre la main comme lors du drame de Toulouse, rend coup pour coup.
Solide, maîtrisée, cette campagne est un sans-faute de sa part, savourait-il samedi. Il n’y aura pas eu la mauvaise «surprise» qu’il pouvait craindre, comme Papy Voise en 2002. «Je n’ai rien à me reprocher. J’ai fait une belle campagne», disait-il ce week-end, l’oeil déjà dans le rétroviseur. Son seul regret: ses déambulations à la rencontre des Français qui ne sont pas passées aussi «naturellement» qu’il l’aurait souhaité.