A Florange, Hollande s’engage à déposer une loi pour éviter les démantèlements d'usine
POLITIQUE•Le texte prévoira les grandes entreprises à céder le site pour qu'un repreneur puissent intervenir...Maud Pierron, envoyée spéciale à Florange (Moselle)
De notre envoyée spéciale à Florange, en Moselle
«La valeur travail n’est pas l’apanage d’une famille politique, c’est une valeur de la République». Après avoir répondu jeudi soir au Mans (Sarthe) à Nicolas Sarkozy qui s’est présenté comme le chantre de la valeur travail, François Hollande a rétorqué vendredi sur le terrain à son principal rival avec un déplacement surprise à l’usine d’ArcelorMittal de Florange (Moselle). A seulement une quinzaine de kilomètres de Gandrange, les deux hauts fourneaux du site sont à l’arrêt depuis le mois d’octobre, laissant un millier d’ouvriers sur le carreau.
En prévenant les journalistes à la dernière minute, le socialiste assurait son «coup médiatique»… réfuté par Aurélie Filippetti dans le TGV qui amène la délégation à Metz: «Ce n’est pas un coup d’éclat, c’est une ligne de fond de sa politique». Et la députée de Moselle d’assurer que c’est le quatrième déplacement en un an de François Hollande dans le département.
Pourtant, à son arrivée sur le site où des drapeaux CFDT et CFT flottent, ainsi que l’odeur âcre de pneus brûlés, François Hollande est loin d’être acclamé par les quelque 400 ouvriers présents. Alors que les journalistes l’attendent pour une déclaration, les ouvriers, chasubles orange ou rouges de la CFDT et de la CGT sur le dos, se jettent sur lui pour l’escorter prestement sur le camion disposé devant l’usine afin qu’il prenne la parole. «Dehors les journalistes! On a des questions à lui poser et des réponses à attendre!» lancent certains dans une ambiance nerveuse. Une fois l’échelle du camion montée, voilà François Hollande face à la foule beaucoup plus calme et attentive.
«Ce qui compte le plus, c’est de parler et de tenir parole»
«Merci d’être venu soutenir notre lutte car ça fait des années qu’on se sent bien seuls», lance Edouard Martin, le très médiatique responsable de la CFDT-Métallurgie de Florange. Mais présence ne vaut pas engagement et il veut savoir s’il voterait une proposition de loi «qui interdise de démanteler l’outil» comme il le craint. D’autres syndicalistes se succèdent à cette tribune improvisée pour réclamer «une nouvelle politique industrielle».
Micro à la main, sans notes, François Hollande se cale face aux ouvriers: «Je suis venu à Gandrange il y a peu pour rappeler les promesses qui n’avaient pas été honorées». Le socialiste ne veut pas haranguer la foule et poursuit: «Je viens prendre des engagements avec la responsabilité nécessaire». Des engagements, mais pas des promesses, distinction sémantique de taille. «Oui, je suis prêt, car je viens aussi ici en tant que député, à ce que nous déposions une proposition de loi qui dise que quand une firme ne veut plus d’une unité de production et ne veut pas la céder, nous lui en ferions obligations pour que des repreneurs viennent et assurent une activité supplémentaire sur le site», lance-t-il, acclamé par les ouvriers et les cornes de brume. «Voilà, c’est ça!» commente un ouvrier, casque orange sur la tête avec l’autocollant CFDT. «Et si elle n’est pas votée avant le 6 mai, quel que soit mon avenir, je représenterai ce texte car je vous le dois», ajoute-t-il, encore acclamé par les 400 ouvriers présents.
«Je ne veux pas faire de promesses que je ne pourrais pas tenir», insiste-t-il, alors que certains acquiescent de la tête. Il vient dire «sa solidarité» mais aussi sa «responsabilité». Car «ce qui compte le plus, c’est de parler et de tenir parole. Il y a les candidats qui veulent se présenter comme candidat du peuple et il y a les candidats qui prétendent servir le peuple», conclut-il avant de redescendre du camion et se diriger vers le stand de saucisses.
«Tout le monde vient à la pêche aux voix»
Il y retrouve Edouard Martin, après avoir avalé un en-cas. Et lui confie que la proposition de loi sera déposée «lundi ou mardi» mais qu’elle aura peu de chance d’aboutir vu que la session parlementaire se termine dans deux semaines. «Rien que le fait que la gauche dépose enfin une loi qui protège l’emploi et l’industrie, c’est très important. Si elle refuse, la majorité aura à s’expliquer», assure le syndicaliste à quelques journalistes. «Tous les politiques disent qu’ils aiment les ouvriers, c’est le moment de le prouver par des actes». Il vérifiera si Hollande tient parole dès lundi, pour savoir si «un autre menteur est passé ici».
«Nous ne sommes plus dupes. Tout le monde vient à la pêche aux voix, parfait, nous on se sert d’eux. Il faudrait qu’il y ait des élections tous les six mois. Ici, c’est devant les ouvriers, c’est gravé dans le marbre, c’est pas dans un salon feutré. Il y en a qui aujourd’hui le regrette amèrement. Pour François Hollande, c’est pareil, c’est gravé dans le marbre», tonne-t-il avant d’allumer une cigarette.
A l’autre bout de la France, sur le site de Pétroplus à Petit-Couronne (Seine-Maritime), Nicolas Sarkozy venait d’annoncer le redémarrage du site. Informé des propos de François Hollande, le Président-candidat a lâché: «Il a raison de ne rien dire (qu'il ne pourrait tenir), on va finir par se demander s'il pense quelque chose, à force de rien dire». Et d’ajouter: «Qu'est-ce que vous voulez? Un Président qui tente ou un Président qui dit j'y peux rien?» Alors qu’on lui annonçait l’initiative du «candidat sortant», comme il l’appelle, Hollande a relativisé: «Il n’y a pas de compétition entre les candidats» sur un sujet si crucial. Mais le duel à distance entre les deux principaux candidats se poursuit.