Législatives: Les questions soulevées par le bras de fer Modem-La République en marche
ELECTIONS•Il y a de l’eau dans le gaz entre En Marche! et le Mouvement démocrate de François Bayrou à propos des investitures aux législatives…A.-L.B.
L'essentiel
- François Bayrou, président du Mouvement démocrate, n’approuve pas la liste des candidats investis par La République en marche, qui succède au mouvement En Marche !
- Le président centriste estime que trop peu de candidats de son parti sont investis et va donc convoquer un bureau politique ce vendredi soir
- Les soutiens du président élu Emmanuel Macron tentent de ménager l'allié centriste, sans pour autant garantir des places réservées, ce qui menace le projet du Modem de constituer un groupe à l'Assemblée nationale
A huit jours de la fin du dépôt légal des candidatures, le mouvement La République en marche (LRM, qui succède à En Marche !) a présenté jeudi une liste de candidats pour les élections législatives de juin. Cette liste qui comporte 428 noms, sur un total des 577 circonscriptions, a fortement déplu à François Bayrou. Le président du Mouvement démocrate (MoDem) a refusé de donner son « assentiment » à cette liste avant de convoquer ce vendredi à 19h un bureau politique de son parti. Du côté de la LRM, on tente d’apaiser la situation avec l’allié Modem. Retour sur les grandes questions nées de ces bisbilles électorales.
Pourquoi François Bayrou est-il hostile à la liste présentée par La République en marche ?
Le président du Modem a protesté jeudi soir après la publication de la liste des candidats de La République en marche car celle-ci ne réserve que 38 places au MoDem. Or, avant la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle, un accord passé entre le chef de file d’En Marche ! et le maire de Pau reposait sur l’investiture de 120 candidats MoDem.
« Hier [mercredi], nous étions parvenus à un accord sur 120 circonscriptions (…) Jeudi matin, Richard Ferrand arrive et nous informe que l’accord ne tient plus et que son parti annoncera ses propres investitures, réservant au MoDem 38 sièges », a déclaré François Bayrou au Monde.
Le président du Modem espère désormais que le président élu aura un « mouvement de raison » pour favoriser plus de candidatures issues de son parti.
Pourquoi investir une quarantaine de candidats pose problème au Modem ?
Moins de candidats investis signifient moins d’élus à l’horizon, et donc une moindre possibilité de constituer un groupe à l’Assemblée nationale (15 députés). « En l’état actuel, déplore un cadre du MoDem à Sud Ouest ce vendredi, nous ne sommes même pas sûrs de pouvoir constituer un groupe à l’Assemblée nationale. »
Concrètement, constituer un groupe parlementaire est synonyme d’avantages matériels et politiques : ce dernier dispose d’une enveloppe financière en fonction de son effectif, ce qui se traduit en moyens matériels (bureaux, salles de réunion) et humains. Par ailleurs, tous les postes à responsabilité à l’Assemblée nationale ainsi que les temps de parole des députés sont répartis proportionnellement au nombre total de sièges que les groupes détiennent. Pour résumer : sans groupe, les députés sont isolés, disposent de peu de moyens et n’ont presque aucun temps de parole. Un scénario catastrophe pour le Modem qui souhaite peser dans la prochaine majorité.
Est-ce le seul grief de François Bayrou ?
Jeudi, François Bayrou s’est ému de la trop grande place accordée aux anciens membres du Parti socialiste. Pour le président du Modem, ces investitures représentent « une opération de recyclage du Parti socialiste », a-t-il estimé jeudi soir.
« Dans cette situation, il y a ce que François Bayrou dit, et tout ce qu’il ne dit pas. Le coup de poing sur la table me semble beaucoup plus général que cette histoire d’investitures », présume le politologue Eddy Fougier, chercheur associé à l’Iris. « Même si je ne pensepas qu’il y a eu un accord de gouvernement strict entre François Bayrou et Emmanuel Macron, la prochaine nomination du gouvernement doit décevoir le Modem ». Mais, comme le rappelle le chercheur, « entre le poids politique que François Bayrou pense avoir et celui qu’il a rééllement, il y a un fossé.. Et La République en marche n’a pas l’intention d’être sous influence. »
Quelle est la réponse des dirigeants de La République en marche ?
Les proches d’Emmanuel Macron tentent d’apaiser la situation depuis jeudi soir. Après Christophe Castaner,qui a assuré jeudi soir sur BFMTV qu’il « n’y a pas de crise », Richard Ferrand, secrétaire général de LRM, a expliqué ce vendredi sur cette même chaîne qu’« on continue à marcher ensemble et tout va bien se passer. »
Quant au porte-parole d’En Marche !, Benjamin Griveaux, il a estimé ce vendredi sur LCI que « les choses vont s’apaiser » avec François Bayrou, soulignant que les choix d’investitures ayant pu écarter des candidats Modem, au grand dam de son président, étaient liés à « des questions de renouvellement essentiellement ». Il a précisé que « plusieurs dizaines » de candidats du Modem figuraient sur la liste et « dans des circonscriptions gagnables ».
Sylvie Goulard, députée européenne centriste, a quant à elle estimé sur RTL que « le soutien qu’on a pu apporter à un moment donné ne signifie pas qu’on a un droit de tirage éternel », dans une allusion à l’alliance entre Emmanuel Macron et François Bayrou.
Y aura-t-il de nouveaux candidats MoDem, alors que 148 circonscriptions sont dépourvues de candidats ?
La réponse de Richard Ferrand est restée ce vendredi sibylline : « Autant que nécessaire dès lors que ce sont les meilleurs candidats », a dit le secrétaire général du mouvement du président élu.
Selon le politologue Eddy Fougier, l’hypothèse de nouveaux candidats Modem reste minime : « La République en marche ne veut pas être sous l’influence des représentants de l’ancien monde. Et même si cela gêne François Bayrou, il appartient à cet ancien monde. Comme pour Manuel Valls [dont la candidature a été retoquée par LRM], le message envoyé aux partenaires potentiels aujourd’hui est de dire : "Ce sont nous qui décidons, et seuls" »
Est-ce que la crise est finie ?
La situation reste en suspens avant le bureau politique du Mouvement démocrate ce vendredi à 19h, dont aucune des options ne fuitait avant la réunion. « La nomination du gouvernement devrait enfin accélérer le mouvement et terminer cette séquence pas très brillante pour le mouvement d’En Marche !, entre couac et improvisation », conclut le politologue Eddy Fougier.