Présidentielle: Jean-Marie Le Pen l'assure, «il n'est pas jaloux du score de sa fille» (qui fait mieux que lui en 2002)
POLITIQUE•L’ancien président du FN organisait une soirée électorale un peu tristoune dans son fief de Montretout…J.L.
C’était un truc qu’on voulait faire avant de claquer. Visiter Montretout, le domaine familial des Le Pen, à Saint-Cloud. Merci à Jean-Marie pour l’invitation, même si l’endroit est passé de mode. D’ailleurs, il y a plus de journalistes qu’autre chose en ce dimanche électoral. Mais attention, des journalistes qui viennent de loin. Russes, Japonais, Espagnols, ça a de la gueule pour une contre-soirée d’anciens. A vrai dire, on ne reconnaît pas grand monde.
Ah si, Farid Smahi, l’ancien conseiller régional d’Ile de France, qui vient de s’offrir un zapping gratuit pour s’en être pris à Anne Hidalgo après l’attentat sur les Champs-Elysées. Et une belle brochette de mamies botoxées qui partagent certainement le même chirurgien esthétique et un abonnement commun à point soleil. Marion Maréchal était là un peu plus tôt, avant de partir par une porte dérobée pour faire la tournée des popotes médiatiques. Et puis Jany Le Pen, la deuxième épouse du menhir, réfugié à l’étage.
aJany nous tient le crachoir pour faire passer le temps. Elle nous raconte sa fierté de voir Marine et Marion reprendre le flambeau de papa. « Si Marine doit gagner, ce sera l’aboutissement de 40 ans de la vie politique de son père ». On sait les relations fraîches entre le géniteur et l’héritière. Le fait qu’on soit là alors que tout l’état-major du FN est à Hénin-Beaumont nous faire dire ce que ça n’a pas beaucoup évolué depuis que Jean-Marie Le Pen a été exclu (puis réintégré).
Jany confirme, Marine n’est pas venue à Montretout depuis un bail : « Leur relation est distante, froide, et douloureuse pour nous tous. Jean-Marie est dans l’attente d’un geste de sa fille, je pense que c’est une grande perte pour elle de ne pas l’avoir dans sa garde rapprochée. C’est un homme brillant, qui a été un père merveilleux pour ses enfants. Tout ça, ça ne s’oublie pas quand on aime ses parents. Peut-être que la soirée va aider à ce rapprochement, il faut l’espérer ».
Presque 20h, chacun se tourne fébrilement vers la télé pour le résultat. Marine est bien au second tour, dans une indifférence surprenante. Pas d’applaudissements, quelques mimiques dubitatives : soit le score est mauvais, soit il est trop bon pour que le cercle des frontistes placardisés prenne sa revanche. On tend l’oreille à droite à gauche. Farid Smahi nous vend sa came habituelle : « Il faut un président qui interdise la double nationalité et le port du coup du foulard ». Super, merci, Fardi. Pas content le bonhomme, il aurait bien aimé « un coup de fil » de la présidente après son moment de gloire sur BFMTV. « Elle a dû oublier que je n’étais pas d’origine suédoise ».
Certainement, nous, on s’en va, Farid. Juste à côté, un homme bien mis et sa femme bien refaite. Des Fillonnistes, apprend-on, qui trouvent « Le Front national un peu excessif » mais qui sont des amis de Jean-Marie. On perd un peu le fil. David Rachline, à la télé, parle d’un score spectaculaire, quand tout le monde la voyait cinq points plus haut. Marcel Ceccaldi, l’avocat de la famille, qui défend la fille dans l’affaire des assistants parlementaires fait le compte.
« Elle était à 28 au plus haut, mais si on enlève 2/3 points qui ont été récupérés par Dupont-Aignan, le point d’Asslineau, on se retrouve vers 22/23. L’important c’est ce qui vient après. Il faut faire plus de pédagogie sur l’euro, expliquer qu’on ne sortira pas du jour au lendemain, et que ça entraînera plein de pays à faire pareil que nous ». Un ami a un moyen plus radical pour faire gagner Marine. « Je viens de balancer à M6 l’affaire dont on a parlé ». Mais quelle affaire, dites-moi tout ? « Macron finance sa campagne par le trafic de drogue, j’ai tout donné à Marine, j’espère qu’elle l’utilisera ». Bien, bien, bien.
Un autre ami tout aussi encombrant réfléchit au scénario d’une victoire au second tour. « Imaginez un attentat. Ça peut tout changer et c’est loin d’être impossible ». Heu, il y en a eu un non, avec un mort ? « C’était un policier, c’était son métier. Moi je vous parle d’une attaque chimique qui fait 500 morts. 0,75 centilitres de gaz sarin dans une rame de métro… » Le gars a envie de poursuivre et nous de nous eclipser. Heureusement, c’est le moment choisi par Jean-Marie Le Pen pour se montrer. On finira là-dessus, presque in extenso
- Vous êtes contents du résultat ?
- « Je suis content que la candidate nationale passe au second tour, contre le candidat du système, celui de l’appareil qui a mené le pays à sa ruine lors des 40 dernières années. Macron, c’était l’adversaire que Marine voulait affronter »
- Vous l’avez appelée pour la féliciter ?
- « Je n’ai pas eu le temps, vous m’accablez »
- Elle vous a appelé ?
- « Pas encore, mais je n’attends rien, je me réjouis de l’instant présent »
- Qu’est-ce qu’elle vous doit ?
- Soupir agacé. « Elle me doit certainement d’avoir donné l’exemple ces 40 dernières années. Elle est dans la lignée du combat que nous avons mené contre la décadence de la France »
- Pensez-vous qu’elle aurait pu faire une meilleure campagne ?
- « Non, je pense qu’elle a fait une bonne campagne »
- Que doit-elle faire pour contrer le front républicain?
- « Je n’en sais rien, je ne fais pas partie de l’entourage (rires). J’espère que l’appui de Jeanne d’Arc nous portera jusqu’à la victoire»
- Marine fait un meilleur score que vous en 2002. Vous êtes jaloux ?
- « Jaloux, moi ? ça va pas ».
L’ancien président du Front National ne parlera pas plus longtemps. Si, juste pour confirmer qu’il ira célébrer, comme d’habitude, le 1er mai devant la statue de Jeanne d’Arc, dans un défilé parallèle à celui organisé par le FN. Nous revient en tête cette phrase de Jany Le Pen un peu plus tôt : « Ce n’est pas parce que le chef a changé que les idées ont changé et que nous avons changé d’idées ». C’est juste que son mari a du mal à s’y faire.