Présidentielle: Cordon de sécurité, drôles de supporters et vraie-fausse Miss France à la visite de Fillon au salon de l’agriculture
REPORTAGE•Le candidat LR s’est finalement rendu ce mercredi Porte de Versailles après avoir annulé sa visite plus tôt dans la journée…Julien Laloye
Suivre la campagne du candidat LR n’est pas de tout repos, ni pour les journalistes, ni pour ses soutiens. Et ce mercredi a réservé bien des surprises. Annulation à l’improviste le matin, annonce de sa prochaine mise en examen (et du maintien de sa candidature) à midi, petite entrecôte au restau, et retour au salon de l’agriculture pour une visite dans les règles, comme si de rien n’était. Deux heures au pas de charge à tenter de suivre Fillon avant de l’abandonner aux veaux, aux vaches, aux cochons, et à ses nombreuses groupies (oui, oui). Trois scènes qui nous ont marqué, rien que pour vous.
aLe cordon de flics pour encadrer son parcours
On connaissait Marine Le Pen et ses sbires, on a découvert François Fillon, ses sbires, et la police, venue faire le nombre pour « éviter tout incident », comme on dit dans les milieux autorisés. Une bonne dizaine d’éléments pour faire démarrer le convoi, puis deux ou trois littéralement collés au candidat républicain sur le parcours. Les badauds sont priés de rester à distance, même s’ils ont envie de chanter une ode à Pénélope. Annonce au micro d’un membre de son service d’ordre.
« « Tout ce qui n’est pas sécurité ou journaliste on recule, ça ne sert à rien de s’approcher, surtout si vous avez des enfants, franchement, vous ne verrez rien. Vous pouvez m’en vouloir, mais c’est comme ça ». »
Entrée en matière enjôleuse, dites donc. Il faut dire que depuis les révélations du Canard Enchaîné, les déplacements de Fillon sont plus encadrés qu’un prisonnier d’Alcatraz. Que des lieux fermés pour éviter toute rencontre avec des Français hostiles. Confidence d’un proche du candidat repéré dans Le Parisien, en début de semaine : « Maintenant, pour chacun de ses déplacements, on en est même à repérer toutes les issues de secours possibles, au cas où ça tournerait mal ».
Victimes collatérales, les agriculteurs, qui ont beaucoup moins profité de François Fillon que de Marine Le Pen. Lors des deux premières heures, l’ancien Premier ministre s’est surtout arrêté sur des stands (ceux du Centre national interprofessionel de l’économie laitière, puis des Pays de Loire). Un éleveur de Rouge des Prés a eu droit à un court tête-à-tête, plutôt productif. « L’affaire Pénélope, c’est une affaire politique. Je suis déçu, mais c’est un système dans son ensemble qu’il faut revoir. Nous, on cherche un homme d’Etat capable de gérer et qui doit savoir agir. Fillon a été tout à fait clair. Il veut supprimer toutes les normes qui nous empêchent de bien travailler, c’est un discours qui me plaît ».
Les drôles de supporters de François Fillon
« Fi-llon, pré-sident, Fi-llon pré-sident ». Les cris d’encouragement sur le passage du candidat de la droite ne nous ont pas interpellés tout de suite. Puis ils sont devenus trop nombreux pour être honnêtes. D’ailleurs, les huées étaient plutôt rares jusqu’à monter en gamme, comme stimulées par les cris des supporters du vainqueur de la primaire de droite. Réflexion d’une passante, qui avait cru entendre « Fillon démission ». « Ils ont payé des militants pour faire la claque ou quoi ? ».
Hypothèse intéressante. D’autant plus que ces petites mamies isolées toutes occupées à crier leur amour à « François » ont un drôle de look pour un salon de l’agriculture. Très apprêtées, sans un regard pour les bêtes, presque habitées par leur rôle de supportrices, on a presque envie de leur demander si elles n’ont pas peur de ramener du foin dans leur sac Vuitton. Un témoignage parmi d’autres : « Il a voulu reconnaître le travail de sa femme, et c’est très bien. Je suis très contente qu’il tienne le coup ».
Mais ce n’est rien à côté de ces groupes de jeunes organisés comme des unités mobiles d’infanterie, toujours placés à l’avant-garde du parcours pour applaudir et encourager Fillon avant tout le monde. On en chope un au hasard, à qui on ne donne même pas l’âge de voter, même si ça peut-être trompeur. Réponse du jeune homme : « On est là depuis ce matin, on fait ça parce qu’on s’amuse. On a fait ça avec Macron, ça a bien marché aussi. C’est marrant, non ? » Chacun son humour.
« Je les ai vus sortir du QG des Républicains tout à l’heure pour venir au salon », rigole un confrère photographe. Pas du tout, rétorque Maxence, qui avoue quand même être engagé politiquement auprès du Sarthois. « Je suis venu quand j’ai vu l’alerte du Figaro sur mon téléphone, je voulais le soutenir. L’accueil est plutôt positif, les gens sont curieux, ils ont envie de le voir, à part deux trois mecs du Front de Gauche. Mais, eux, de toute façon, la démocratie ils ne savent pas ce que c’est ». Sourire de son ami Nicolas, pas plus heurté que ça par la probable mise en examen de son champion. « Ça laisse un goût amer dans la bouche, parce que la justice ne peut pas décider de la mort politique d’un candidat ».
Miss France qui manque d’être piétinée (en fait, c’était pas la vraie)
Un peu plus tôt dans la visite, alors que la tension commence tout doucement à monter entre pro et anti-Fillon, on attrape au vol quelques échanges savoureux. D’abord entre un couple âgé et deux copains dans la trentaine : « Il n’y a pas de débat il est empêché, toute une partie de la population ne sera pas représentée s’il est obligé de se retirer à cause de la justice », balancent les premiers. « Le débat n’est pas empêché, il porte sur l’éthique, je viendrais aussi crier "voleur" si le candidat concerné était de gauche », rétorquent les deux copains. « Si vous grattez, ils font tous la même chose, Fillon au moins lui a un programme, vous voulez que les gens votent Le Pen à sa place ? », répond le couple.
Plus loin, un homme bien informé s’échauffe avec une retraitée qui travaillait dans l’artisanat : « J’aurais voté Fillon s’il n’avait pas fait toutes ses magouilles. Quand on se cache derrière la légalité du contrat alors qu’on sait que la légalité du contrat est vraie, mais que c’est l’application du contrat qui est fausse », lance l’homme. « Ça, c’est vous qui le dites. Dans l’artisanat, on sait ce que c’est que de travailler en solo avec des appuis autour, il n’a rien fait de plus », balance l’ex-artisan. Réponse consternée : « Mais c’est sa femme elle-même qui passe son temps à dire qu’elle n’a rien fait, je ne l’invente pas ! »
On en était là, quand soudain, le drame, ou pas loin. Indigo, une belle vache rouge des Prés, manque d’être piétinée par l’attroupement provoqué par le cortège Fillon… en même temps qu’Alicia Aylies, Miss France 2017, totalement incognito malgré son écharpe bien en vue. La jeune fille se retire juste à temps pour ne pas être prise dans la cohue. Après renseignement, il s’agissait en fait de Liva Hoarau, Miss élégance France. Cela n’aurait pas amélioré la journée de François Fillon quand même.