Hadopi, taxation des terminaux... Ce que le rapport Lescure va changer
NUMERIQUE•Pierre Lescure a présenté ce lundi son rapport sur l’«Acte 2 de l’exception culturelle à l’ère numérique»...Claire Planchard
Un rapport dont «l’usager est la boussole». C’est le principe qui a présidé à la rédaction de cette somme de près de 400 pages, remise ce lundi au Président de la République et aux professionnels du secteur. «Une réforme qui voudrait nier les nouveaux usages d’Internet ou même les contraindre serait vouée à l’échec», a estimé l’ancien président de groupe Canal+ au terme de neuf mois d’auditions et de travail.
Il en ressort 80 propositions, «dont aucune n’est révolutionnaire», admet-il, mais qui constituent «un ensemble cohérent et dynamique» pour tenter de défendre les créateurs, leurs créations et la sacro-sainte «exception culturelle», face au raz-de-marée de la «révolution Internet».
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Au menu, trois axes de réflexion: l’accès des publics aux œuvres et l’offre culturelle en ligne, la rémunération des créateurs et le financement de la création et la protection et adaptation des droits de propriété intellectuelle. Avec dans chacun de ces trois grands chapitres, trois propositions phares.
Doper l’offre légale
Comment concurrencer une offre illégale presque toujours gratuite, hyper abondante et réactive et bien souvent de meilleure qualité. C’est la question posée par le rapport Lescure. Sa réponse: doper l’offre légale en favorisant l’exploitation numérique des œuvres et surtout en raccourcissant les délais d’accès à la VàD (vidéo à la demande) et Vàda (vàD par abonnement). Il préconise ainsi «d’avancer la fenêtre à trois mois» ou d’interdire les gels de droits pendant les diffusions TV pour la première, et de réduire de 36 mois actuellement à 18 mois le délai pour la seconde . Autre chantier: la diffusion des séries étrangères. «La France est l’un des seuls pays où elles sont diffusées plus d’un an après alors qu’elles sont faites pour être addictives! C’est une incitation au piratage pour des raisons un peu trop hexagonales», a analysé Pierre Lescure, qui souhaite que les diffuseurs engagent «la numérisation des processus de transmission». Ce chantier fait partie des mesures prioritaires retenues par la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, qui compte lancer dès ce lundi une concertation avec les professionnels en ce sens.
Taxer tablettes et smartphones
A l’heure où les auteurs et les industries créatives voient leurs revenus se contracter alors que les acteurs numériques sont en pleine croissance, les acteurs traditionnels (TV, cinémas, etc) ne doivent plus être les seuls mis à contribution dans le financement de l’exception culturelle française. C’est au nom de ce principe «d’équité fiscale» que le rapport Lescure préconise d’adapter les taxes existantes au bouleversement de la «chaîne des valeurs». «Après l’ère de la propriété et de la copie, on entre dans l’ère de l’accès grâce à l’Internet haut débit qui rendra le stockage inutile. Il faut donc prévoir un système de remplacement», a expliqué lundi Pierre Lescure. «L’objectif n’est pas de créer une nouvelle taxe ou une nouvelle mais d’être prêts dans trois à cinq ans, quand ces usages auront explosé». Le rapport préconise ainsi une taxe sur «tous les appareils connectés permettant de stocker ou de lire des données» (tablettes et smartphone) au taux faible de «1%», relativement «indolore» pour le consommateur. Une mesure qui serait en outre plus simple que mettre une taxe sur les moteurs de recherche ou sur la publicité en ligne.
Disparition de l’Hadopi et riposte graduée allégée
C’est la mesure phare du rapport et «la priorité des priorités» pour la ministre de la Culture. Dès le mois de juin, Aurélie Filipetti présentera un projet de loi visant à abroger la possibilité de suspendre la connexion Internet des internautes en cas de téléchargement illégal. Comme le rapport Lescure, elle préconise de conserver le principe de la riposte graduée (trois courriers d’avertissement avant la sanction) et de l’alléger en remplaçant la sanction pénale par une sanction administrative: une amende «sans automaticité». Pierre Lescure propose de réduire son montant qui peut atteindre 1.500 euros actuellement, par un forfait de 60 euros «éventuellement majoré en cas de récidive». «Un sujet qui sera soumis à la discussion du Parlement», s’est contentée de préciser la ministre. Par ailleurs, dans un souci d’économie et de cohérence, la haute autorité Hadopi sera supprimée et la mission de riposte graduée sera transférée au CSA «afin d’inscrire la protection du droit d’auteur dans une politique de régulation globale de l’offre numérique», précise le rapport.