INTERVIEWMichel-Edouard Leclerc: «Nous offrons 20 millions d'euros aux consommateurs»

Michel-Edouard Leclerc: «Nous offrons 20 millions d'euros aux consommateurs»

INTERVIEWMichel-Edouard Leclerc, président des hypermarchés et des supermarchés Leclerc, rencontrera demain Pierre Moscovici pour parler carburants. Et a déjà annoncé que ses stations-service vendront gazole et essence à prix coûtants...
Propos recueillis par Céline Boff

Propos recueillis par Céline Boff

Vous avez annoncé ce lundi matin sur RTL que les hypermarchés et supermarchés du mouvement E. Leclerc vendront les carburants à prix coûtant jusqu'à la fin du mois de septembre. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie?

Que nos 555 stations-service vont vendre du carburant sans réaliser de profit. Avec des marges variant selon les stations de zéro à deux centimes d’euros par litre, notre manque à gagner sera de 20 millions d’euros. Une somme que les consommateurs n’auront donc pas à payer. C’est évidemment un acte commercial, mais qui me semble judicieux et opportun en cette rentrée marquée par de nombreuses hausses. Cette action sur les carburants, c’est l’un des leviers que nous allons activer pour le consommateur, parce que le carburant est un produit de haute nécessité, notamment en province. Nous anticipons sur les efforts que le gouvernement va nous demander. Mais nous ne nous contentons pas de cela: nous allons également mener une action prix sur les produits de la rentrée des classes ou encore sur l’alimentaire.

Justement, pour les super et les hypermarchés, vendre de l’essence n’est qu’une façon d’attirer le client. Ce n’est pas à travers les stations-service que vous gagnez de l’argent. Dans ce contexte, votre annonce n’est-elle pas un peu démagogique?

Accepter 20 millions d’euros de moins-value, ce n’est pas démagogique. Et l’essence n’est plus seulement un produit d’appel pour nous. Les stations-service Leclerc détiennent 12% de parts de marché et la vente de carburants représente jusqu’à 14% du chiffre d’affaires de certains de nos hypermarchés. Certes, l’ampleur publicitaire de notre geste commercial est indéniable, mais ce n’est pas rien. D’autant plus que nos concurrents vont être contraints d’avancer. Serge Papin (PDG du Groupe Système U, ndlr) a déjà annoncé qu’il nous suivrait dans la vente de carburants à prix coûtants.

Vous rencontrez demain, avec l’ensemble des professionnels du secteur pétrolier, Pierre Moscovici, le ministre de l’Economie. Qu’attendez-vous de ce rendez-vous?

Deux choses: que l’Etat réduise bien le montant de ses taxes comme il l’a promis et que les compagnies pétrolières –nos fournisseurs– mettent également la main à la poche. Si nous agissons tous, le consommateur peut espérer 3 à 4 centimes de baisse dans les stations-service les plus dynamiques.

L’énergie sera de plus en plus chère. Est-il judicieux de prendre ces mesures court-termistes au lieu de responsabiliser les automobilistes, comme le suggère certaines associations de consommateurs?

Il est évidemment capital de développer les énergies alternatives et de mieux utiliser la fiscalité sur les carburants à cet effet. Mais en attendant, le salarié doit être accompagné dans son pouvoir d’achat. On ne peut pas dire à quelqu’un qui gagne le Smic: «apprends à payer plus cher». Ce n’est pas sérieux. Les consommateurs n’ont pas à supporter les soubresauts d’un marché qui reste très spéculatif.

Quel regard portez-vous sur l’action du gouvernement en matière de carburants?

Pour l’instant, nous sommes au stade des annonces. Mais on ne peut pas reprocher au gouvernement de se préoccuper du pouvoir d’achat des Français, même si l’Etat dispose de peu de moyens. Ce serait une faute politique de se concentrer uniquement sur la rigueur et de ne traiter que de macro-économie. Le gouvernement a pris quelques mesures, comme le blocage des loyers, l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire et une petite hausse du Smic. C’est peu, c’est le moins qu’il puisse faire, mais il le fait, et c’est bien.

Et concernant les carburants, qu’allez-vous faire à partir du mois d’octobre?

Vous me rappellerez à ce moment-là… Mes concurrents vont me lire et je ne veux pas faire d’annonces trop à l’avance.