La France, grande perdante d'un «Grexit»?
EUROPE•L'économie française serait l'une des plus pénalisées par une sortie de la Grèce de la zone euro...Claire Planchard
Si le scénario tant redouté d’un «Grexit» se confirmait, la France serait probablement l'un des premiers pays de la zone euro à en pâtir.
65 milliards envolés pour l'Etat
La première victime collatérale serait bien sûr l’Etat français, avec des pertes estimées à environ 65 milliards euros (contre 90 milliards pour l'Allemagne) en raison de sa forte participation au capital de la Banque centrale européenne (BCE) et au Fonds européen de stabilité financière (FESF), principaux détenteurs des titres de dette souveraine grecque.
Une dette sur laquelle la France devrait faire une croix si la Grèce faisait défaut et choisissait de sortir de la monnaie unique.
Un marché d’exportation menacé
Mais les entreprises françaises paieraient elles aussi un lourd tribut du fait des relations économiques privilégiées tissées entre les deux pays au fil des ans. Selon une note du service économique de l’ambassade de France en Grèce publiée en avril dernier, la Grèce restait en 2011 le premier excédent commercial de la France dans la zone euro et le deuxième au sein de l’UE. Malgré un recul des exportations, la Grèce constituait encore notre 8e client au sein de la zone euro (32e au niveau mondial).
La chute de la consommation des ménages grecs qui commence déjà à se faire sentir notamment sur les ventes de parfumerie (-5,8%), de voitures (-57,1%) et d’habillement (-34% en moyenne), pourrait donc donner un coup de frein aux exportations françaises si l’inflation, le chômage et l’assèchement des finances publiques venaient encore davantage entamer le pouvoir d’achat des Grecs.
Prises de participation dans l’économie grecque
Par ailleurs, une note du 6 février 2012 sur le bilan 2010 de l’investissement direct étranger (IDE) en Grèce révèle que le stock d’IDE français en Grèce atteignait à la fin 2010 2,8 milliards d’euros, soit 9,2% du stock total d’IDE entrant. Selon la Banque de Grèce, la France se plaçait ainsi au quatrième rang des investisseurs étrangers, derrière le Luxembourg (5,5 milliards, les Pays-Bas (5,1 milliards et l’Allemagne (3 milliards d’euros). Mais avec un flux de 569,8 millions d’euros investis en Grèce, la France a supplanté en 2010 l’Allemagne à la place de premier investisseur étranger en Grèce.
«Au total, 150 sociétés à participation française sont implantées en Grèce, le plus souvent avec des entreprises grecques; la France est sans doute le premier employeur privé en Grèce avec 30.000 salariés employés par les filiales françaises», souligne le service économique de l’ambassade de France en Grèce.
Des milliards de pertes potentielles pour les filiales
Or ces investissements se concentrent à 61,4% sur les activités financières de la banque et de l’assurance. Un secteur particulièrement fragilisé en Grèce et susceptible d’être nationalisé en cas de sortie de la zone euro, estiment les économistes.
Interrogé le 14 mai dernier, Christian Noyer, le gouverneur de la banque de France s’est voulu rassurant: «Je ne connais aucun groupe qui serait mis en difficulté par un scénario extrême sur la Grèce»,a-t-il lancé. Mais les pertes pourraient être importantes, non pas tant en raison de l’exposition résiduelle des banques françaises à la dette souveraine grecque, qu’en raison des pertes essuyées par leurs filiales dans le pays, à l’instar de Geniki pour la Société Générale et Emporiki pour le Crédit agricole.
La présence française dans d’autres secteurs clés de l’économie grecque est aussi menacée, comme l’industrie (19,1% des investissements français en Grèce), avec des groupes comme Thales, ou encore les géants pharmaceutiques comme Sanofi ou Pierre Fabre, le commerce (8% des investissements) avec Carrefour ou encore l’hôtellerie (2,1%), avec le Club Med
Pour toutes ces entreprises, une sortie de la Grèce de la zone euro, et l’adoption d’une nouvelle drachme dévaluée signifierait des pertes très importantes: «Soit les prêts accordés par les maisons mères à leurs filiales grecques restent libellés en euros et ces dernières ne peuvent pas les rembourser, soit ces avoirs sont convertis dans la nouvelle monnaie, et ils ne valent presque plus rien», résumait la semaine dernière un économiste.