La Cour des comptes épingle les sondages de l'Elysée

La Cour des comptes épingle les sondages de l'Elysée

L'Elysée a participé au financement d'enquêtes publiées dans la presse. La Cour des comptes s'interroge sur" l'utilité de ces dépenses".
D.H.

D.H.

Une convention, signée le 1e juin 2007, entre la Présidence de la République et un cabinet d'études "pour un coût avoisinant 1,5 million d'euros" laisse la Cour des comptes perplexe. Dans le premier rapport du contrôle de la gestion des services de la Présidence de la République, une page sur les dix-neuf du document y est consacrée. Un étrange mécanisme y est mis à jour.

Convention avec un cabinet d'études

La Présidence de la République a en effet passé une convention avec un cabinet d'études (dont le nom n'est pas dévoilé) sans "respecter les règles de mise en concurrence". La Cour souligne également "le caractère non seulement succinct de la convention (une seule page) mais également exorbitant au regard des règles de l'exécution de la dépense publique".

Pour la Cour des comptes, le cabinet disposait en effet "d'une totale liberté d'appréciation" puisque selon les termes de la convention, il était "chargé de juger de l'opportunité, dans le temps et dans les thèmes, des sondages ou études d'opinion dont il confiera l'exécution aux instituts spécialisés de son choix, sur la base d'une facturation ponctuelle incluant la rémunération par [ledit cabinet] de ses sous-traitants techniques".

Aucun bon de commande

Aucun bon de commande n'était donc émis. La Présidence recevait les études avec leurs factures "indiquant le titre du sondage et sa date de réalisation, sans aucun autre élément permettant d'attester de la réalité du service fait et de son coût réel", explique la Cour.

En 2008, 130 factures sont parvenues à l'Elysée dans le cadre de ce contrat pour six types de prestations différentes. A cela s'ajoute les 10.000 euros mensuels perçus par le cabinet mystère pour sa fonction de conseil à la Présidence. La Cour des comptes s'interroge ici sur le bien fondé de certaines dépenses.

392.288 euros pour le Politoscope

Le cabinet mystère a facturé 392.288 euros à la Présidence de la République pour sa participation aux enquêtes bimensuelles "Politoscope" réalisées par l'institut Opinion Way et publiées par Le Figaro et LCI. "La comparaison des résultats publiés dans la presse et de ceux remis à la Présidence ne faisait apparaître de différence. On pouvait, dès lors, s'interroger sur l'utilité de ces dépenses", explique la Cour des comptes. Serait-il abusif de penser que l'Elysée finançait ou cofinançait les enquêtes publiées par certains médias? Aucune réponse n'est apportée par la Cour.

Elle indique seulement que sur 35 études facturées en 2008, 15 ont également été publiées dans la presse. Pour la plupart d'entre elles, les documents remis à l'Elysée étaient identiques à ceux publiés par la presse. Seul "un nombre très limité" des études remises à la Présidence contenait des thèmes ne figurant pas dans la version grand public.

De nouvelles règles

Les services de la Présidence de la République ont indiqué à la Cour des comptes que les relations contractuelles avec le cabinet ont été modifiées. Concernant le "Politoscope" et les autres études, "la Cour prend acte de la décision prise par la Présidence de la République de faire en sorte que, 'depuis mars 2009, le périmètre d'intervention de [ce cabinet soit] limité aux seules enquêtes concernant l'image du Président de la République. C'est par le vecteur de l'omnibus en ligne du 'Politoscope' que sont réalisées ces enquêtes hebdomadaires exclusives et confidentielles, que [ce cabinet], missionné par la Présidence, commande à Opinion Way. Ces enquêtes font l'objet de rapports distincts". La Cour des comptes vérifiera la parfaite application de ces nouvelles règles.