ECONOMIEComment la France peut prêter des milliards à la Grèce

Comment la France peut prêter des milliards à la Grèce

ECONOMIELa France est endettée, la France est trop dépensière, mais la France va prêter plus de six milliards à la Grèce. 20minutes.fr vous explique pourquoi...
Maud Noyon

Maud Noyon

La France «est totalement déterminée à soutenir l'euro et à soutenir la Grèce», dont le plan de sauvetage est «crédible». Nicolas Sarkozy l'a répété ce jeudi depuis Pékin. Un programme de redressement des finances publiques grecques et de réformes économiques fait l'objet de négociations entre Athènes, les experts du FMI et la Commission européenne pour sauver la Grèce en grande difficulté et éviter la contagion.

Ce programme est attendu d'ici à la fin de la semaine, ce qui permettrait aux pays de la zone euro d'entamer le processus de déblocage de l'aide, évalué à plusieurs dizaines de milliards d'euros, la semaine prochaine. La France prévoit d’y participer à hauteur de 6,3 milliards d'euros de prêt dont 3,9 dès 2010. Mais comment va-t-elle faire, alors que sa propre dette est évaluée à près de 1.500 milliards d’euros? Explications.

D’où vient l’argent que la France va prêter à la Grèce?

France va emprunter sur les marchés internationaux, en émettant des obligations comme elle le fait pour financer sa propre dette. En raison de ses bonnes notes, l’Hexagone va pouvoir emprunter à un taux assez bas sur le marché international et prêter ensuite cet argent à la Grèce à un taux très raisonnable.

Pourquoi la France doit-elle prêter à la Grèce?

Parce que le pays ne peut emprunter sur les marchés qu’à des taux très élevés, en raison des craintes qu’il ne puisse honorer ses dettes. Ce qui augmente, du coup, celles-ci et aggrave sa situation financière. «Le but du prêt est de faire tomber ces taux d’intérêt», a expliqué à 20minutes.fr Mathieu Plane, économiste à l’OFCE. Mais, attention, «ce prêt n’est pas une solution définitive, rappelle Benjamin Carton, économiste au CEPII (Centre d'Etudes Prospectives et d'Informations Internationales). Ce prêt est fait en attendant que la Grèce mette en place des mesures vertueuses sans avoir à emprunter à des taux usuraires». Car cet argent reste un prêt, impliquant un taux d’intérêt et un remboursement. Pas un cadeau.

Qu'est-ce que la France peut y gagner?

Une certaine marge. En prêtant cet argent à la Grèce à un taux d’environ 5%, après l’avoir emprunté à 3,5%, la France réalise un bénéfice sur ce prêt, de l’ordre de 1,5% de la somme totale, qui ira dans les caisses de l’Etat.

N’est-ce pas indécent de réaliser une marge alors que la Grèce traverse une crise?

Non et pour plusieurs raisons, assurent les économistes. D’une part, ces taux d’intérêt sont justifiés par le risque de défaut de paiement, soit le risque que la Grèce n’honore pas ses dettes. D’autre part, «cela relève du "hasard moral": pour les politiques peu rigoureuses [la Grèce a dissimulé l'ampleur de sa dette, NDLR], il faut qu’il y ait un surcoût», assure Mathieu Plane, car sinon les pays peuvent continuer à ignorer leurs responsabilités. Et finalement, ces taux d’intérêt permettent de faire accepter ce prêt risqué par les contribuables français.

Il y a donc un risque pour la France?

Oui, car la crise grecque pourrait empirer et le pays faire défaut, et donc ne pas rembourser une partie de sa dette, alourdissant de fait la dette française. De plus, «la France risque de ne pas être totalement bénéficiaire car ce prêt risque de dégrader le coût de sa dette. En effet, le risque que supporte la France, au nom de la Grèce, «peut être compensée par une hausse du taux d’intérêt pour l’ensemble de la dette française sur les marchés», explique Mathieu Plane. Malgré tout, ces risques sont mineurs par rapport à ceux courus en cas de faillite de la Grèce, qui entraînerait dans son sillage les autres pays en difficultés de l'Union européenne (Portugal, Irlande, Italie, Espagne) et par ricochet la France.